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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 15

Le mercredi 14 mars 2001
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 14 mars 2001

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JOHN MORROW GODFREY, C.R.

HOMMAGES

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous entreprenons la séance d'aujourd'hui par un hommage à l'honorable John M. Godfrey, ancien sénateur, décédé le 8 mars 2001.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, nous avons perdu la semaine dernière un guerrier très fier et un ami, notre ancien collègue John Godfrey, qui s'est éteint à l'âge de 88 ans. Pendant une période de 14 ans, au cours des années 70 et 80, ce vigoureux Torontois a servi avec compétence et détermination la présente institution pour laquelle il avait à la fois du respect et de l'affection.

John avait toute une personnalité. C'était un géant à l'allure impeccable, avec sa moustache bien taillée et ses costumes rayés. C'était un militaire et un formidable avocat de société formé au Collège militaire royal de Kingston et titulaire d'une médaille d'argent de la Osgoode Hall Law School.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, John Godfrey a exercé les fonctions de pilote et de chef d'escadron au sein de l'Aviation royale canadienne, au Royaume-Uni et en France, et il avait le grade de lieutenant-colonel d'aviation lorsqu'il a pris sa retraite. Il est ensuite entré au cabinet d'avocats Campbell, Godfrey et Lewtas, mais il ne s'est pas isolé dans l'univers des affaires de Bay Street. En plus d'occuper la présidence de l'Association canadienne d'études fiscales et de toute une gamme d'autres organismes internationaux, il a aussi été administrateur fondateur de la Compagnie d'opéra canadienne, membre du Conseil du Canada et président honoraire de l'École nationale de ballet.

Chemin faisant, John a mis au service du Parti libéral du Canada son énergie et son talent considérables et, de 1968 à 1974, il a joué un rôle de premier plan comme dirigeant du comité national des finances et du Trésor de ce parti.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que John Godfrey livrait la marchandise avec panache et sans compter. Il était très dur, mais il avait un coeur d'or, comme j'ai fini par m'en rendre compte lorsque je suis devenue sénateur en 1984. Je dois reconnaître que, compte tenu de sa grande personnalité, mon premier réflexe fut de ne pas me mettre sur son chemin. Toutefois, ses yeux bleus pétillants, son sens de l'humour et sa propension à appeler un chat un chat ont finalement fait de moi une amie et une admiratrice.

Le travail qu'il abattait ici offrait un puissant exemple à une nouvelle venue. Puisant dans ses antécédents professionnels, il travaillait avec acharnement au sein du Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes pour l'examen de la réglementation, du Comité des banques et du commerce, du Comité de la défense nationale et du Comité sénatorial spécial sur la Constitution.

John a toujours eu la réputation d'être un homme direct, ce qui s'est confirmé dès son premier discours au Sénat en décembre 1973, au sujet de la Loi sur l'examen de l'investissement étranger.

(1340)

Avant de commencer, John a pris le soin de faire état de son expérience en tant qu'avocat dans une firme dont la clientèle comptait toujours des sociétés canadiennes sous contrôle étranger, dont un grand nombre d'entre elles auraient pu être touchées par la mesure législative. Il a d'emblée dit à ses collègues que, tout au long de sa carrière au Sénat, il s'efforcerait constamment de veiller à ce que tout ce qu'il dirait ou ferait dans cette enceinte, et je cite:

[...] ne serait d'aucune façon influencé par le fait que cela pourrait avoir une incidence sur un client de ma firme et que je ne laisserais aucunement mes intérêts professionnels entrer en conflit avec l'accomplissement légitime de mes devoirs de sénateur.

Honorables sénateurs, John Godfrey a été décrit de nombreuses façons par bien des gens. Il peut être considéré aujourd'hui comme étant de la «vieille école» des politiciens ou comme un «patricien» dans la hiérarchie sociale. Selon moi, ses gestes et ses paroles constituaient la définition du titre d'«honorable sénateur» que nous portons tous. Il chérissait cette enceinte et le rôle qu'il jouait dans le pays qu'il aimait. Il n'a jamais oublié les amis qu'il s'est faits ici.

Je ne peux penser à rien d'autre qui aurait pu lui apporter plus de joie que de voir son fils John devenir député de Rosedale, la circonscription que représentait le sénateur Godfrey. Maintenant à la Chambre des communes, son fils est en train de se créer un rôle particulier et extrêmement important dans la défense des droits des enfants au Canada et de la promotion des chances pour eux. Son père serait énormément fier de lui.

Nos sympathies s'adressent à son épouse, Mary, et à toute sa famille qui peuvent être assurées que la contribution de John Godfrey continuera de faire partie de l'histoire du Sénat du Canada.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, au mieux, une deuxième Chambre parlementaire, une Chambre d'examen et de révision comme le Sénat peut faire appel aux talents et à l'engagement de citoyens comme John Godfrey. Ses vastes connaissances, sa réputation en tant qu'avocat, son dynamisme intellectuel, son intérêt à l'égard de nombreux domaines de la politique, les services qu'il a rendus au Canada à l'étranger durant la Seconde Guerre mondiale et le temps qu'il a volontairement consacré aux arts en temps de paix font de la contribution qu'il a faite au Parlement pendant 14 ans une contribution mémorable.

S'il arrivait qu'une personne quitte la Chambre au moment où le sénateur Godfrey allait prendre la parole, elle revenait bien vite à sa place pour l'écouter. On s'attendait de sa part aux choses les plus inattendues. On pouvait s'attendre à une intervention originale, importante et généralement provocatrice. Il était dur, mais équitable. Il voulait ce qui était juste pour nos institutions et nos lois. Il était assez sûr de savoir ce qui était juste et, une fois convaincu, il était difficile, voire impossible, de l'en dissuader.

La dernière fois que j'ai vu le sénateur Godfrey, c'était en décembre 1998, aux obsèques de notre regretté collègue, le sénateur Peter Bosa. Je lui ai fait remarquer qu'il vieillissait bien, mais il a ignoré le compliment et m'a fait une remarque piquante à propos d'une affaire politique, à laquelle il a ajouté un bref commentaire sur les arrangements de l'église en matière de stationnement.

Quelle chance pour lui et les personnes proches de lui qu'il ait vécu une vie aussi longue, aussi pleine et aussi engagée. Quelle chance pour le Canada d'avoir pu bénéficier de ses services!

Des voix: Bravo!

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi rendre hommage à notre collègue, Jack Godfrey, qui a disparu la semaine dernière. Jack était membre du caucus libéral depuis de nombreuses années comme je l'ai été moi aussi à la Chambre des communes et comme je le suis au Sénat. Depuis le départ à la retraite de Jack en 1987, beaucoup de sénateurs s'en sont venus, d'autres s'en sont allés. C'est une chose à laquelle je dois continuellement me faire. Beaucoup ici ne l'ont pas connu, mais c'était un bon sénateur et un bon compagnon. J'adresse toutes mes condoléances à sa famille.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai surtout connu l'honorable John Godfrey par ce que m'en a dit mon époux, Ross Milne, qui a été député au Parlement dans le milieu des années 70 et qui a présidé le caucus libéral pendant cette période. Ross a gardé plusieurs bons souvenirs de John. Voici ce qu'il me disait de lui hier soir:

Le sénateur Godfrey était un homme remarquable. Il était sans doute le sénateur le plus loyal de son époque pour ce qui est d'assister aux réunions du caucus du Parti libéral, tant au plan national que provincial en Ontario, ainsi qu'aux comités du caucus, où il a joué un rôle très actif. Il était à la fois conseiller et proche ami des nouveaux députés. Pour moi, il était tout simplement un bon ami à qui je pouvais me fier. Financièrement à l'aise, il est venu à Ottawa simplement pour servir le Canada. La seule fois où je l'ai entendu se plaindre, c'est lorsqu'il m'a dit, la dernière fois que je l'ai vu, qu'il devenait trop vieux pour faire ce qu'il voulait faire.

L'engagement du sénateur Godfrey envers le Sénat et le processus législatif n'était rien moins que remarquable. Durant les années où il a siégé au Sénat, il était fier du travail qu'il accomplissait, examinant au peigne fin le budget, les mesures fiscales et financières. Il prenait courageusement fait et cause pour l'équité et la clarté dans ces domaines, défendant les intérêts des milieux d'affaires canadiens.

Plus d'une fois, le regard perçant et les questions exigeantes du sénateur Godfrey ont mis des ministres des Finances au supplice, mais si le sénateur a accompli dans les comités un travail remarquable, le rôle qu'il a joué dans les campagnes de financement du Parti libéral du Canada était tout simplement légendaire.

Pendant près de deux décennies, le Parti libéral s'est tourné vers le sénateur Godfrey pour remplir sa caisse électorale. Et c'est précisément ce qu'il a fait, visitant les conseils d'administration les uns après les autres. Au fil des années, le sénateur Godfrey a recueilli des millions de dollars pour le Parti libéral du Canada, longtemps avant l'époque des envois collectifs ou des repas à 500 $ ou 1 000 $ le couvert.

Le sénateur Godfrey avait une façon remarquablement non partisane de recueillir des fonds. Son message aux entreprises, auprès desquelles il recueillait la majeure partie des fonds, était simple. Il croyait sincèrement qu'en donnant de l'argent aux partis politiques, les entreprises se comportaient en bons citoyens et qu'elles devraient faire la promotion de la démocratie et du libre-échange en contribuant à tous les partis politiques. Au cours d'une entrevue accordée en 1978 à la revue Maclean's, le sénateur Godfrey déclarait sans ambages:

Lorsqu'une société fait une contribution non partisane, il m'a toujours paru complètement illogique que le parti au pouvoir en reçoive une plus grande part que l'opposition officielle. Pour moi, cette pratique suggère, en particulier auprès des cyniques, que le donateur espérait quelque chose en retour[...]

L'engagement non partisan du sénateur Godfrey devrait être imité par tous les sénateurs et, en fait, par tous les parlementaires. Nous avons la chance, au Canada, de vivre dans une vraie démocratie. Les parlementaires devraient tous se rappeler que les autres partis ne sont pas tant l'ennemi à abattre que les défenseurs de l'autre côté de la médaille.

Le respect du sénateur Godfrey pour tous les parlementaires lui a gagné de nombreux amis ici et à l'autre endroit, au fil des années. Son travail législatif acharné lui a valu l'estime et le respect de tous.

Tous ceux qui ont connu ici le sénateur Godfrey ont perdu un bon ami.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, à l'instar de mes collègues des deux côtés du Sénat, je tiens à rendre hommage à John Godfrey.

Nous n'ignorons pas que John Godfrey vient de Toronto. En fait, on l'appelait le sénateur de Rosedale.

John Godfrey était un excellent juriste et un homme exceptionnellement brillant et compétent. Je l'ai connu comme sénateur et aussi comme partisan, car il m'a grandement appuyée lorsque je me suis présentée dans Rosedale. Je tiens donc, avec tous les sénateurs, à exprimer nos plus sincères condoléances à toute sa famille.


(1350)

AFFAIRES COURANTES

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ MIXTE PERMANENT CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes de l'examen de la réglementation, portant sur les dépenses encourues par le comité au cours de la deuxième session de la trente-sixième législature.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Finestone, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ MIXTE PERMANENT CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT

L'honorable Jane Marie Cordy: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, portant sur les dépenses encourues par le comité au cours de la deuxième session de la trente-sixième législature.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

[Français]

EXAMEN DE LA POLITIQUE CANADIENNE ANTIDROGUES

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du Comité sénatorial spécial sur la politique canadienne antidrogues concernant les dépenses encourues par le comité au cours de la deuxième session de la trente-sixième législature.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

[Plus tard]

LANGUES OFFICIELLES

PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ MIXTE PERMANENT CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité mixte permanent des langues officielles portant sur le quorum et les dépenses engagées par le comité durant la deuxième session de la trente-sixième législature.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

DÉPÔT DU RAPPORT DU GROUPE CANADIEN SUR LA CENT QUATRIÈME CONFÉRENCE INTERPARLEMENTAIRE EN INDONÉSIE

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Groupe canadien de l'Union interparlementaire qui a représenté le Canada à la cent quatrième conférence interparlementaire qui s'est tenue à Jakarta, en Indonésie, du 12 au 21 octobre 2001.

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

LE DÉBAT DE LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT—DÉPÔT DU RAPPORT DE LA DÉLÉGATION CANADIENNE

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe qui a représenté le Canada au débat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement qui s'est tenu à Londres, en Angleterre, du 16 au 20 janvier 2001.

LA SESSION DU 20 AU 27 JANVIER 2001 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE—DÉPÔT DU RAPPORT DE LA DÉLÉGATION CANADIENNE

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer également le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe qui a représenté le Canada à la session plénière de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui s'est tenue à Strasbourg, en France, du 20 au 27 janvier 2001.

[Français]

FINANCES NATIONALES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LA DIFFUSION DES DÉLIBÉRATIONS DU COMITÉ PAR LES MÉDIAS ÉLECTRONIQUES

L'honorable Lowell Murray: Honorable sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

[Traduction]

[Plus tard]

LANGUES OFFICIELLES

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à siéger pendant les séances du Sénat; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LE FINANCEMENT ET LE MANDAT—LA COUVERTURE DES ÉLECTIONS PROVINCIALES EN ALBERTA

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Est-elle en mesure de confirmer que la Société Radio-Canada continuera de recevoir annuellement des centaines de millions de dollars provenant des fonds publics et que, en échange, la SRC continuera d'être tenue, en vertu de son mandat, d'informer les Canadiens de l'actualité dans chacune des régions du Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Il est certain que la Société Radio-Canada reçoit d'importants fonds publics. Elle a pour mandat, si je ne m'abuse, d'expliquer le Canada aux Canadiens.

Le sénateur Cochrane: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire.

Le lundi 12 mars, il n'y a pas eu dans l'est du Canada de reportage en direct du résultat des élections en Alberta sur le réseau anglais de Radio-Canada, ni sur CBC Newsworld, ni d'ailleurs sur CTV, CTV Newscast ou Global. C'est cependant Radio-Canada qui m'inquiète, au vu du mandat de la SRC et des financements publics qu'elle reçoit.

J'ai trouvé plutôt curieux et paradoxal que le réseau anglais de Radio-Canada et Newsworld n'assurent pas la couverture des élections en Alberta, alors que RDI, le Réseau français de l'information, a diffusé un excellent reportage de deux heures. Beaucoup de Canadiens de l'Est en ont été scandalisés et ils me l'ont fait savoir. Madame le leader du gouvernement partage-t-elle cette préoccupation?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, absolument. L'Alberta est une province du Canada et, bien que le résultat des élections dans cette province ne m'ait pas particulièrement réjouie, il incombe à Radio-Canada, ou du moins à Newsworld, la société affiliée, d'assurer la couverture de toutes les élections provinciales. Je crois que madame le sénateur Cochrane ferait mieux de poser sa question d'aujourd'hui directement à Radio-Canada et je compte en faire autant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Laquelle sera la première à obtenir la réponse?

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE SUR LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES

L'honorable J. Michael Forrestall: Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. J'ai vu sur mon bureau ce matin un communiqué pour diffusion immédiate.

Charlottetown — Le chef libéral Jean Chrétien a déclaré aujourd'hui que le futur gouvernement libéral aurait une nouvelle liste de priorités, citant en exemple l'annulation du programme de plusieurs milliards de dollars lancé par Kim Campbell, celui de l'achat d'hélicoptères convenant à une situation de guerre froide.

«Avant tout, ces élections se jouent sur les priorités et les compétences», a déclaré Jean Chrétien. «C'est pour cela que je saisis l'occasion de réitérer, dès le début de la campagne, l'opposition du parti libéral à l'achat de ces hélicoptères.»

Honorables sénateurs, ne pensez-vous pas que voilà une bonne nouvelle pour les gens de Shearwater?

La question que j'adresse à madame le leader du gouvernement concerne, comme je l'ai laissé entrevoir hier, un jugement récent de la Cour fédérale. Je voudrais avoir son opinion sur ce que la Cour a voulu dire lorsqu'elle déclare que les preuves qui lui ont été présentées pourraient

[...] révéler que le processus d'appel d'offres était «manifestement politisé»au sein du ministère de la Défense nationale.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, loin de moi l'idée que je peux interpréter les déclarations d'une cour. Je lui en laisse le soin.

Le sénateur Forrestall: Je ne crois pas avoir demandé à madame le sénateur d'interpréter la décision, mais d'émettre son opinion à ce sujet. Elle n'a peut-être pas d'opinion sur la sécurité des pilotes.

(1400)

Je retire ces paroles, honorables sénateurs. Elle a une opinion, bien évidemment, mais je rejette aussi du revers de la main sa réponse. On est en droit de s'attendre à une réaction quelconque lorsque les tribunaux rendent un jugement aussi réprobateur.

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE COMITÉ DU CABINET CHARGÉ DE SURVEILLER LE PROCESSUS D'ACHAT

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, hier, le ministre de la Défense nationale, devant un comité à l'autre endroit, a reconnu qu'un comité spécial du Cabinet présidé par le vice-premier ministre, a été chargé de surveiller le projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes. Madame le leader du gouvernement peut-elle fournir des explications quant au rôle du comité Gray dont le mandat est de surveiller ce projet? Quels sont les membres de ce comité spécial?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur pour sa question. J'ignore la composition du comité, mais si je peux obtenir ce renseignement, je le transmettrai au sénateur Forrestall.

Je crois que le rôle du comité est très clair. Le comité fera de son mieux pour conseiller le gouvernement en ce qui concerne l'acquisition des hélicoptères qui remplaceront les Sea King — un remplacement que l'honorable sénateur et moi voudrions plus tôt que tard.

Le sénateur Forrestall: Est-ce parce qu'il existe deux comités au sein du ministère de la Défense nationale, ou le comité Dempster et le nouveau comité de surveillance de la haute direction, et deux groupes à l'extérieur du MDN, soit le Bureau du Conseil privé et maintenant le comité Gray — un fait admis, comme je l'ai laissé entendre hier, par le ministre de la Défense nationale — qui sont tous impliqués dans le projet des hélicoptères maritimes? Pourquoi faut-il un examen politique sans précédent dans le cas du projet des hélicoptères militaires embarqués, alors qu'il n'y en a pas eu pour le projet canadien des hélicoptères de recherche et de sauvetage? Pourquoi un examen dans un cas et pas dans l'autre?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est évident que le gouvernement veut à la fois en avoir pour son argent et s'assurer que les Forces canadiennes possèdent les meilleurs véhicules pour faire leur travail en général et, plus particulièrement, les meilleurs hélicoptères maritimes de recherche et de sauvetage. S'il faut pour cela une évaluation minutieuse et une ou deux réévaluations, nous allons faire de notre mieux, parce que nous engageons des dépenses considérables aux fins de ce projet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et le temps passe.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je me vois forcé de poser une dernière question complémentaire. Madame le leader du gouvernement serait-elle en train de dire que tout ce processus — il y aurait maintenant six comités qui se penchent sur l'acquisition d'hélicoptères — doit garantir que les Canadiens obtiennent le meilleur hélicoptère pour l'argent qu'on investit en leur nom? Si c'est le cas, je suis plutôt satisfait d'entendre qu'on semble délaisser la position selon laquelle on retiendrait l'offre conforme la moins chère.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je le répète: le gouvernement en veut pour son argent. Le gouvernement veut aussi de l'équipement excellent pour les Forces canadiennes. Je n'y vois aucune contradiction. L'honorable sénateur n'est peut-être pas de mon avis.

LA SANTÉ

LA NOMINATION DU LEADER DU GOUVERNEMENT AU POSTE DE MINISTRE RESPONSABLE DES SOINS PALLIATIFS—LE PLAN D'ACTION

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'ai en main un communiqué de presse qui s'intitule: «Le leader du gouvernement au Sénat assume une responsabilité particulière à l'égard des soins palliatifs». En voici le texte:

Le premier ministre Jean Chrétien a annoncé aujourd'hui que l'honorable Sharon Carstairs, leader du gouvernement au Sénat, assumera une responsabilité particulière à l'égard des soins palliatifs...

Puis-je me permettre de féliciter le sénateur Carstairs pour cette nomination?

Le sénateur Lynch-Staunton: La question?

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, je tiens à préciser que cela n'est pas du tout une question arrangée. Je sais que madame le ministre a les connaissances nécessaires pour mener ce mandat à bien et je suis persuadé qu'elle s'en acquittera avec beaucoup de dévouement.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement. Quel est son plan d'action?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier le sénateur de sa question. J'ai effectivement reçu une copie du communiqué de presse et je dois avouer que je l'ai moi-même déposée sur le pupitre du sénateur Corbin qui, tout comme le sénateur Roche et d'autres ici présents, par exemple le sénateur Keon et le sénateur Pépin, ont toujours soutenu le développement d'une stratégie en matière de soins palliatifs au Canada. Je suis ravie que le premier ministre ait ajouté cette responsabilité à celles que j'assume déjà à titre de leader du gouvernement au Sénat.

Il est clair que je devrai tout d'abord donner le coup d'envoi aux initiatives en matière de soins palliatifs au Canada et voir à instaurer une collaboration entre les provinces, les territoires, les ONG et le gouvernement fédéral pour assurer la disponibilité de ressources pour les soins palliatifs afin que 100 p. 100 et non pas seulement 10 p. 100 des Canadiens mourants reçoivent des soins palliatifs appropriés.

LE PATRIMOINE

LA CONCENTRATION DE LA PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous félicitons également la ministre de son mandat supplémentaire. Les soins palliatifs constituent un secteur important, et le travail accompli par tous les sénateurs témoigne de la reconnaissance que le gouvernement et les Canadiens ont à l'égard des travaux importants que peuvent entreprendre les membres de cette Chambre.

Je voudrais parler d'une autre observation qu'a faite le premier ministre et qui a été rapportée dans la livraison aujourd'hui du National Post. Il dit qu'il défend le droit de M. Asper d'écrire. C'est normal.

Madame le ministre pourrait-elle expliquer à la Chambre la position du gouvernement concernant la concentration de la propriété des médias au Canada, une question qui est actuellement au premier plan des affaires publiques au Canada?

M. Tobin, ministre de l'Industrie, a exprimé le désir d'avoir un mandat. Mme Copps, ministre du Patrimoine canadien, a confirmé hier que le gouvernement annoncera sous peu le nom des experts qui examineront la question de la concentration de la propriété des médias au Canada. Lundi soir, dans cette Chambre, madame le ministre a été en mesure de nous dire qu'elle serait favorable à une mise à jour de l'étude importante que le Sénat a menée sur ce même sujet, sous la direction des anciens sénateurs Keith Davey et Charlie McElman.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle informer la Chambre de l'intention du gouvernement du Canada, puisque nous recevons des points de vue divergents de plusieurs ministres?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Permettez-moi d'abord de féliciter David Asper de son excellent article sur notre premier ministre. Je peux dire que, David et moi étant des amis depuis de nombreuses années, je suis enchantée qu'il ait décidé de défendre le premier ministre d'une manière aussi éloquente.

En ce qui a trait à la concentration de la propriété des médias au Canada, je crois, enfin j'espère, que nous souhaitons tous que les Canadiens de tous les coins du pays puissent avoir accès à toutes sortes d'informations dans la presse, et maintenant sur Internet, ainsi qu'à la radio et à la télévision. Si tous ces moyens d'information appartiennent à une ou deux personnes, nous devons tous nous demander, à mon avis, si cette information est filtrée.

S'il existe une vaste gamme de médias, chacun d'eux adoptera évidemment une position en particulier et une orientation particulière, soit à droite ou à gauche.

(1410)

Cependant, lorsqu'il y a une très forte concentration des médias, on peut se demander si on est mis au courant de toutes les versions. Voilà, je crois, ce que les Canadiens veulent savoir. La concentration qui semble se faire dans les médias limitera-t-elle la capacité des Canadiens de choisir et de se faire leur propre idée sur ce qui se passe vraiment dans la société?

Comment faut-il s'y prendre? Nous avons entendu le point de vue du ministre Tobin, qui penche d'un certain côté. La ministre Copps semble aller dans un sens légèrement différent. Comme je l'ai dit hier, je serai très heureuse si le Sénat décide de réaliser cette étude.

Honorables sénateurs, aucune décision n'a été prise sur les modalités de l'étude.

Le sénateur Kinsella: Je remercie madame le ministre de cette réponse qui montre bien que le Sénat est idéalement positionné pour étudier les questions de politique d'intérêt public, notamment une question aussi importante que celle-ci.

La question que le sénateur Cochrane a posée tout à l'heure au sujet de la SRC se rapporte également à ce problème. Cet élément des médias appartient aux Canadiens. Il s'agit d'une partie unique de nos valeurs sociales. Elle nous démarque nettement de la grande république qui est notre voisin du sud, où on observe aussi une concentration de la propriété de médias. Comme tous ceux qui s'y rendent peuvent le remarquer, 300 millions de personnes reçoivent leur information d'un très petit nombre de sources.

LE SÉNAT

LA CONCENTRATION DE LA PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS—LA POSSIBILITÉ D'UN COMITÉ SPÉCIAL

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai pris à coeur la réponse que madame le ministre a faite l'autre jour. Elle a invité certains d'entre nous à préparer des propositions. Madame le leader du gouvernement pense-t-elle que la formule du comité spécial serait la bonne? A-t-elle des indications plus directes à nous proposer pour l'étude que le Sénat pourrait réaliser?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'estime que le Sénat prend d'excellentes décisions lorsqu'il se prononce sur la mise sur pied de comités spéciaux. Loin de moi l'idée d'établir des lignes directrices ou de fixer les paramètres de l'étude. Je m'en remets aux sénateurs, en qui j'ai toute confiance.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai ici trois réponses différées. La première répond à une question soulevée au Sénat le 6 février 2001 par l'honorable sénateur Spivak au sujet du discours du Trône — Les mesures pour protéger la santé des enfants; la deuxième répond à une question soulevée au Sénat le 1er mars 2001 par l'honorable sénateur Roche au sujet des communautés chrétiennes et la troisième répond à une question soulevée au Sénat le 7 février 2001 par l'honorable sénateur Robertson au sujet du rapport du vérificateur général — le manque de planification budgétaire concernant l'éventualité de complications résultant du vieillissement de la population.

L'ENVIRONNEMENT

LE DISCOURS DU TRÔNE—LES MESURES POUR PROTÉGER LA SANTÉ DES ENFANTS

(Réponse à la question posée par l'honorable Mira Spivak le 6 février 2001)

Au cours des prochains mois, les ministres de la Santé et de l'Environnement étudieront les possibilités de remplir les engagements pris dans le discours du Trône de renforcer les lois, d'accroître les efforts consacrés à la recherche et de raffermir d'autres mesures en ce sens, nécessaires pour protéger la santé des Canadiens contre les substances toxiques et les autres polluants, et d'établir des normes environnementales qui tiendront compte de la vulnérabilité particulière des enfants. Divers mécanismes et initiatives sont envisagés pour intensifier les recherches et les mesures nécessaires afin de réaliser des progrès relativement au volet de la santé des enfants et de l'environnement. Il est trop tôt pour dire si ces activités entraîneront un examen de la LCPE avant le prochain examen quinquennal prévu.

LES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES

LE SOUTIEN FINANCIER POUR RÉGLER À L'AMIABLE LES PROCÈS INTENTÉS PAR D'ANCIENS ÉLÈVES DES PENSIONNATS

(Réponse à la question posée par l'honorable Douglas Roche le 1er mars 2001)

QUESTION:

Comment le gouvernement entend-il collaborer avec les Églises pour traiter du risque de responsabilité qu'il partage avec elles par suite des litiges résultant du régime des pensionnats?

RÉPONSE: (par l'honorable Herb Gray, député)

Le gouvernement tient beaucoup à collaborer avec les Églises en cause pour traiter de la responsabilité qu'elles partagent avec le gouvernement. On m'a demandé l'automne dernier de collaborer avec les Églises pour trouver des solutions tenant compte de leurs préoccupations financières en ce qui concerne les litiges liés aux pensionnats. À ce sujet, je crois qu'il faut tenir compte de deux aspects distincts. D'abord, votre question semble impliquer que les difficultés résultant du régime des pensionnats ne se rapportent qu'aux pertes linguistiques et culturelles. Il ne faut pourtant pas négliger le grave problème des sévices physiques et sexuels, dont nous devons également tenir compte.

Deuxièmement, le gouvernement et les Églises avaient un même objectif, qui était l'assimilation des Autochtones. Dans cette optique, notre responsabilité aujourd'hui consiste à continuer de chercher des moyens pour les Autochtones de participer pleinement à la société canadienne tout en préservant et en valorisant leurs identités collectives et en leur permettant d'évoluer et de prospérer. La meilleure manière d'atteindre ce résultat, d'après nous, est de régler nos différends à l'amiable.

Quant à la question des sévices infligés aux enfants dans ces écoles, elle n'a rien à voir avec les politiques malencontreuses, quoique bien intentionnées, que le gouvernement et les Églises ont mises en oeuvre dans ces écoles, mais bien avec le fait que ni les Églises ni le gouvernement n'ont réussi à protéger les enfants confiés à leur garde. Le gouvernement est déterminé à collaborer avec les victimes de ces sévices pour trouver les solutions les plus favorables à leur guérison et au besoin de réconciliation entre les individus et les institutions qui dirigeaient les pensionnats. Le gouvernement comme les Églises seront tenus responsables des sévices perpétrés par leurs employés.

QUESTION:

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas rencontré des représentants des Autochtones en plus des dirigeants des Églises avec qui il se réunit depuis octobre?

RÉPONSE: (par l'honorable Herb Gray, député)

J'ai le plaisir de vous informer que j'ai rencontré le chef national de l'Assemblée des Premières nations et que leurs représentants et les nôtres sont restés en communication depuis. J'ai également rencontré des individus qui ont été pensionnaires dans ces écoles et qui cherchent les meilleures méthodes de guérison et de réconciliation pour eux-mêmes, leurs familles et leurs collectivités, et je les ai consultés à ce sujet.

Je devrais également souligner le fait que le gouvernement, avec l'appui de l'APN et des Églises, a facilité la tenue de neuf «échanges exploratoires», en 1998-1999, qui ont permis à des centaines de personnes, victimes, guérisseurs, avocats de demandeurs, dirigeants autochtones et représentants du gouvernement et des Églises, de se réunir pour la première fois et discuter de manière constructive de tout un éventail de questions liées aux tristes problèmes légués par le régime des pensionnats. Ce sont ces discussions qui ont amené les parties à appuyer l'élaboration de modèles de règlement des différends pour résoudre ces réclamations.

Notre gouvernement reste ouvert à la collaboration avec la direction des Églises afin de déterminer la meilleure manière d'aborder ces questions pour permettre aux parties d'assumer leurs responsabilités légales et morales. Nous devons également considérer la viabilité à long terme des Églises touchées par ces réclamations.

Je comprends l'intérêt que vous portez à cette question. Votre travail en rapport avec le processus de la ligne secours en Ontario vous a permis d'acquérir une expérience considérable avec les victimes de sévices et avec les Églises, pour aider celles-ci à assumer leurs responsabilités légales et à se réconcilier avec les victimes de sévices perpétrés par des employés des Églises. Je me ferai un plaisir de vous rencontrer pour en discuter et solliciter votre opinion sur certaines questions auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui dans le contexte des pensionnats.

LES FINANCES

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL—LE MANQUE DE PLANIFICATION BUDGÉTAIRE CONCERNANT L'ÉVENTUALITÉ DE COMPLICATIONS RÉSULTANT DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

(Réponse à la question posée par l'honorable Brenda M. Robertson le 7 février 2001)

Le gouvernement souscrit entièrement à la conclusion générale du rapport du vérificateur général concernant la nécessité de fournir au Parlement et au peuple canadien des renseignements sur la politique financière. Il est essentiel de bien comprendre les dossiers et les ramifications éventuelles des différents choix de politiques. Les bonnes politiques reposent sur une information de qualité.

Le ministère des Finances est très fier de la recherche qui a été menée en matière de politiques ainsi que des mesures qui ont été prises pour rendre de notoriété publique nombre des points soulevés par le vérificateur général. Par exemple, en septembre 1997, le ministère a commandité une conférence organisée par le John Deutsch Institute de l'Université Queen's et le Institute for Policy Analysis de l'Université de Toronto intitulée: «Fiscal Targets and Economic Growth». À la demande du ministère, certains des documents ont porté expressément sur quelques-unes des questions démographiques soulevées par le vérificateur général.

De même, en 1992, le ministère des Finances, en collaboration avec ses homologues provinciaux, a diffusé le rapport d'une étude détaillée sur le coût de la gestion des affaires de l'État et des dépenses, qui a porté sur les grandes tensions à long terme en matière de coûts qui s'exerceront sur les gouvernements surtout dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Le vérificateur général s'est servi de la méthode retenue pour cette étude pour rédiger son rapport.

Le ministère des Finances fait partie de groupes de travail internationaux chargés d'examiner les conséquences du vieillissement de la population dans le monde industrialisé, et il n'est pas prêt de mettre un terme à sa participation. Les groupes de travail sont formés sous l'égide des pays membres du Groupe des dix ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Le ministère a fourni des renseignements détaillés sur les problèmes structuraux à long terme associés au Régime de pensions du Canada, renseignements qui ont servi de fondement aux récentes réformes avalisées par les gouvernements fédéral et provinciaux. Enfin, comme le signalait le vérificateur général, un document de travail interne, intitulé: «Public Finance Implications of Population Ageing», vient d'être diffusé.

Tout cela montre que le ministère des Finances s'active à transmettre au grand public et au Parlement de bonnes analyses qui serviront de fondement aux discussions et aux décisions stratégiques éclairées.

Toutefois, nous n'approuvons pas le processus et le mécanisme de diffusion de cette information qui sont suggérés.

Le vérificateur général propose d'intégrer les prévisions économiques et financières à long terme au processus budgétaire annuel ou de les publier lors des consultations prébudgétaires que mène le gouvernement.

L'expérience nous a appris que l'inclusion de prévisions à long terme dans le processus budgétaire mine l'importance et l'urgence du règlement des problèmes immédiats — problèmes et questions qu'il faut régler, même lorsque la conjoncture est bonne, pour que, de fait, les objectifs à long terme puissent être atteints.

Des ministres des finances ont déjà déposé des plans financiers et économiques quinquennaux qui n'ont pu être réalisés. La non-atteinte des objectifs a suscité une perte de crédibilité, ce qui a mené à des primes de risque et des taux d'intérêt plus élevés.

L'approche retenue par le gouvernement en matière de planification budgétaire a été de fixer des objectifs financiers de deux ans intégrés à un cadre financier à moyen terme.

Le premier objectif à moyen terme a été l'élimination du déficit, ce qui supposait implicitement d'arrêter la progression du rapport de la dette au PIB et de lui imprimer un mouvement permanent à la baisse.

Ce qui importe encore plus, toutefois, c'est que le gouvernement s'est avant tout assuré de l'atteinte des objectifs à court terme. La discipline financière qui en a résulté n'a jamais été égalée en période d'après-guerre. Elle lui a permis d'éliminer le déficit beaucoup plus rapidement que ce qui avait été escompté.

En faisant porter essentiellement ses plans budgétaires actuels sur le court terme, le gouvernement a pu atteindre un important objectif à long terme, c'est-à-dire freiner la progression du ratio de la dette au PIB après près de 25 années d'augmentation ininterrompue et le placer sur une trajectoire permanente à la baisse.

Il ne faut pas présumer que les problèmes financiers à long terme sont ignorés parce que les plans budgétaires du gouvernement portent sur un horizon de deux ans. Par exemple, le gouvernement fédéral et les provinces ont restructuré le Régime de pensions du Canada expressément pour régler les tensions démographiques à long terme qui s'exerçaient sur le régime. Le gouvernement continuera de s'attaquer aux questions structurelles à long terme qui doivent être réglées.

Le gouvernement n'estime pas qu'il soit nécessaire, pour l'instant, de modifier sa planification budgétaire. Son approche à cet égard a connu un très vif succès et permis non seulement d'atteindre ses objectifs à court terme, mais aussi de jeter les assises du règlement des problèmes structurels à long terme.

Il ne faut pas supposer que des changements ne seront jamais envisagés ni apportés. À l'automne de chaque année, le ministère des Finances mène de vastes consultations auprès d'économistes du secteur privé. Leurs prévisions économiques et financières à moyen terme sont présentées dans la mise à jour de l'automne du ministre des Finances, à titre de fondement des consultations prébudgétaires, et les initiatives qui en découlent sont annoncées dans le budget annuel du gouvernement.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À MODIFIER L'ARTICLE 86 DU RÈGLEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Robichaud, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p.,

Que l'article 86 du Règlement du Sénat soit modifié,

1. par la suppression de l'alinéa 86(1)h) et son remplacement par ce qui suit:

h) Le comité sénatorial des affaires étrangères, composé de douze membres, dont quatre constituent un quorum, auquel sont renvoyés, s'il y a motion à cet effet, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les relations étrangères et les relations avec le Commonwealth en général, y compris:

(i) les traités et accords internationaux;(ii) le commerce extérieur;(iii) l'aide à l'étranger;(iv) les affaires territoriales et côtières.

2. par la suppression de l'alinéa 86(1)m) et son remplacement par ce qui suit:

m) Le comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, composé de douze membres, dont quatre constituent un quorum, auquel sont renvoyés, sur ordre du Sénat à cet effet, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les affaires sociales, les sciences et la technologie en général, y compris:

(i) les affaires des Indiens et des Inuits;(ii) les affaires culturelles et les arts;(iii) les affaires sociales et ouvrières;(iv) la santé et le bien-être;(v) les pensions;(vi) le logement;(vii) la condition physique et les sports amateurs;(viii) l'emploi et l'immigration;(ix) les affaires des consommateurs; et(x) les affaires de la jeunesse.

3. par l'insertion, immédiatement après l'alinéa 86(1)q), des nouveaux alinéas 86(1)r) et 86(1)s):

r) Le comité sénatorial de la défense et de la sécurité, composé de neuf membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant la défense et la sécurité en général, y compris les affaires des anciens combattants.

s) Le comité sénatorial des droits de la personne, composé de neuf membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les droits de la personne en général.

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, j'aimerais donner mon appui à la formation de deux comités, le comité sénatorial des droits de la personne et le comité de la défense et de la sécurité, tel qu'énoncé dans la motion.

Le domaine de la défense m'intéresse depuis plusieurs années. En 1985, j'ai été la première femme parlementaire à devenir membre du Groupe parlementaire de l'OTAN, où je me suis fait demander, lors de la première réunion:

[Traduction]

«Que faites-vous ici?»

[Français]

Ma réponse a été:

[Traduction]

«Je ne veux pas qu'on me dise quoi faire. Je voudrais participer à la prise de décisions.»

[Français]

Par la suite, j'ai travaillé activement pour que les femmes aient le droit de piloter les F-18, mais surtout pour le retrait des lettres «DW dependant wife», sur les cartes d'identification de toutes les épouses de militaires de l'OTAN. Étant perçues comme inférieures à l'époque, on nous expliquait que tout ce qu'elles faisaient de travers — même dans le cas d'une contravention — était indiqué sur le dossier de leur mari. Depuis ce temps, il semble que ces lettres aient été retirées et que les épouses et conjointes se portent mieux.

Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai oeuvré au sein du sous-comité des anciens combattants. Depuis plusieurs mois, toutefois, je suis en communication avec des femmes militaires et des épouses de militaires, et j'ai visité plusieurs d'entre elles.

Il est important de voir à l'amélioration des conditions de travail et des conditions de vie de nos militaires. Toutefois, nous devons être vigilants et nous informer sur la qualité de vie des épouses, des conjoints et de leurs enfants. Nous devons également nous informer sur l'environnement qui les entoure, sur la scolarité des enfants et sur la possibilité de s'exprimer dans les deux langues officielles.

Les communautés des Forces canadiennes ont publié récemment un livret sur la façon de prévenir la violence familiale. Un film a également été distribué à cet effet, à savoir comment améliorer la vie des familles sur les différentes bases militaires à travers le Canada et l'Europe.

Je sais que le sénateur Erminie Cohen a fait un travail semblable au mien et elle nous fera connaître, dans un avenir rapproché, le résultat de ses visites et rencontres sur les différentes bases de sa région.

Il y a donc beaucoup d'activités paramilitaires sur lesquelles il faudrait nous renseigner. Toutes les activités couvrent le quotidien des familles et des gens qui entourent nos soldats et il serait important qu'ils ne soient pas entendus uniquement par des parlementaires féminins, mais plutôt par un comité composé d'hommes et de femmes.

Tout en travaillant à améliorer la défense de notre pays, nous devons être à l'écoute de ce qui se passe dans le milieu où vivent nos militaires et leur famille.

[Traduction]

(1420)

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je voudrais informer le Sénat que j'appuie l'établissement de deux nouveaux comités: un comité de la défense et de la sécurité et un comité des droits humains.

Gardant à l'esprit l'excellent discours prononcé hier par le sénateur Rompkey sur la défense, ainsi que celui du sénateur Wilson sur les droits humains, je voudrais dire que j'appuie ce qu'ont dit ces deux sénateurs. D'autres observations de ma part seraient superflues. Par conséquent, je vous fais grâce de mes observations, sauf pour dire que j'appuie les propos de ces deux sénateurs.

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, le but de mon intervention n'est pas de m'attarder sur la formation de deux nouveaux comités, sûrement nécessaires puisque plusieurs sénateurs en parlent depuis déjà trois ou quatre ans. Il est temps d'aboutir à une décision. Je n'ai aucune hésitation à appuyer la motion voulant la création d'un comité sénatorial de la défense et de la sécurité, et d'un comité sénatorial des droits de la personne. Ces deux comités vont sûrement aider à résoudre des problèmes que nous connaissons tous.

Mon intervention porte sur le libellé de la première partie de la motion, et je cite:

Que l'article 86 du Règlement du Sénat soit modifié,

1. par la suppression de l'alinéa 86(1)h) [...]

Vous pourrez lire, en vous référant au Feuilleton d'aujourd'hui, que:

h) Le comité sénatorial des affaires étrangères, composé de douze membres, dont quatre contituent un quorum, auquel sont renvoyés, s'il y a motion à cet effet, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les relations étrangères et les relations avec le Commonwealth en général, y compris: [...]

J'ai déjà discuté de cette question avec certains sénateurs et ma position est connue. Je voudrais que cette motion soit amendée pour y inclure les mots «la Francophonie». On m'a répondu que c'était inclusif parce qu'il est écrit «en général». Toutefois, le libellé de la motion dit: «le Commonwealth en général», il ne dit pas: «les affaires étrangères en général».

Je voudrais qu'on ajoute les mots «la Francophonie» dans ces directives au Comité des affaires étrangères. Cela fait environ cinq ans que j'essaie de convaincre le Sénat que la Francophonie est une question fort importante pour la majorité d'entre nous. Le comité doit se pencher sur cette question car la Francophonie existe.

La Francophonie est un regroupement de pays qui ont comme principale caractéristique l'usage du français. Elle existe depuis longtemps et est structurée sur le plan international depuis plus de 30 ans.

Le Canada a joué un rôle important en établissant la Francophonie. N'ayant pas d'histoire coloniale, le Canada avait une certaine crédibilité, en Afrique en particulier, afin d'aider au développement de ces pays et au rayonnement de leurs efforts internationaux.

Plus de 50 pays sont membres de la Francophonie et ils ont le français comme langue commune. Les pays d'Europe tels que la France, la Belgique, la Suisse, et le Canada ont participé à la mise sur pied d'une association d'intérêts communs appelée la Francophonie.

Ce n'est pas comme le Commonwealth qui a des intérêts économiques et dont l'anglais, sans être exclusif, est la langue principale, par nécessité économique dans les anciennes colonies britanniques. C'est une réalité.

Cette connotation n'existe pas dans la Francophonie. La Francophonie a un lien linguistique et culturel, et non économique. C'est différent. Le Parlement canadien devrait s'attarder un peu plus sur cette question. Nous dépensons des sommes importantes en Afrique, des centaines de millions de dollars. J'ai été membre du Comité des affaires étrangères pendant plusieurs années, — j'ai même coprésidé la revue de cette fameuse politique internationale de notre pays — et la Francophonie et la culture sont deux questions qui, souvent, sont mises de côté.

Le sixième chapitre du rapport des comités mixtes de la Chambre des communes et du Sénat sur les relations étrangères traite de la culture; un sujet important devenu une question internationale. Nous devons protéger nos intérêts culturels face aux États-Unis qui n'utilisent pas le mot «culture», mais le mot «entertainment».

Il est important que les sénateurs du comité se penchent sur la question de la Francophonie. Comment s'y prendra-t-on? Cette étude devrait être référée au comité dont je suis membre. Je verrai à sensibiliser les membres du comité sur l'importance d'inclure les mots «la Francophonie». Il y a deux ou trois façons de le faire. Je donne avis au comité que je prendrai les dispositions voulues pour convaincre les sénateurs du bien-fondé de ma demande. Les propos que j'avance sont sérieux et importants et j'aimerais qu'ils soient considérés comme tels.

[Traduction]

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

(1430)

LE DISCOURS DU TRÔNE

MOTION D'ADOPTION DE L'ADRESSE EN RÉPONSE—MOTION D'AMENDEMENT-SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cordy, appuyée par l'honorable sénateur Setlakwe, relative à l'Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-septième législature.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Rossiter, que le texte suivant soit ajouté à l'Adresse:

Nous soumettons respectueusement à Votre Excellence que le discours du Trône aurait captivé les citoyens et citoyennes du Canada s'il avait contenu les mots suivants:

«Les Canadiens et les Canadiennes sont aujourd'hui les citoyens les plus remarquables de notre communauté mondiale. Notre citoyenneté commune trouve de multiples expressions et nous donne des occasions sans pareilles de nous battre pour la liberté et la dignité que mérite chacune des personnes avec qui nous partagerons notre planète Terre au cours du XXIe siècle.

Mon gouvernement reconnaît que le Canada est une terre bénie aux paysages et aux ressources naturelles et humaines incomparables. Notre sens de la liberté, de la paix et du civisme est profondément ancré dans notre histoire. Le Canada a toujours été une terre rêvée pour ceux et celles qui sont en quête d'une autre chance et qui ont soif de justice et de sécurité.

Malgré ces points forts, encore valables aujourd'hui, nombre d'entre nous se trouvent exclus du rêve canadien. Le monde évolue très rapidement autour de nous, tandis que nous faisons face à un avenir incertain, chargé de défis, sans pouvoir nous appuyer sur aucun plan. De plus en plus, nous avons l'impression de nous être égarés.

Nous nous devons de retrouver une aspiration commune pour le pays, de retrouver l'impression que nous travaillons ensemble dans l'intérêt de toute la collectivité; nous devons aussi encourager le genre d'actions volontaristes qui ont défini le Canada et qui, dans le passé, nous ont permis de progresser dans des temps difficiles.

Le plan de mon gouvernement est un plan pour renforcer les collectivités, bâtir une économie dynamique, et garantir l'intégrité du gouvernement.

Renforcer les collectivités canadiennes

Les Canadiens croient que notre tissu collectif et institutionnel s'est considérablement affaibli au cours des dernières années.

La foi que les Canadiens avaient dans leur système de soins de santé a été ébranlée. Les compressions dans ce domaine ont provoqué la fermeture de milliers de lits d'hôpital, l'encombrement des salles d'urgence et la création de listes d'attente qui sont intolérables dans le cas de services et de traitement critiques.

À cause de la réduction du financement de l'éducation, les frais de scolarité des collèges et des universités ont augmenté et les étudiants doivent assumer des dettes inadmissibles. L'accès à l'enseignement supérieur est maintenant une chose du passé, même si l'économie du savoir privilégie plus que jamais les qualifications de niveau supérieur.

Alors que les Canadiens se sentent de moins en moins en sécurité dans leurs collectivités, la GRC s'est fait couper les vivres. Pendant ce temps, le programme d'enregistrement des armes à feu coûte des centaines de millions de dollars aux Canadiens et les propriétaires respectueux de la loi sont traités en criminels.

Les Canadiens veulent retrouver leur valeur commune dans les programmes sociaux du Canada: l'autonomie et la responsabilité personnelle, d'un côté, et la compassion, l'investissement dans une population saine et instruite, des collectivités sûres et une responsabilité financière, de l'autre.

Les Canadiens veulent que leur gouvernement national fasse preuve de leadership en matière de protection de l'environnement.

Le plan de mon gouvernement pour assurer l'avenir du Canada couvre ces enjeux et vise à bâtir un pays plus fort grâce à des collectivités plus fortes.

Mon gouvernement:

- ramènera immédiatement à leurs niveaux de 1993-1994 les versements au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Ce faisant, nous retrouverons exactement le niveau des transferts à la santé et à l'éducation postsecondaire d'avant les coupures.

- ajoutera, par voie de législation, un sixième principe à l'assurance-maladie, celui d'un financement stable garanti et prévisible à long terme. Désormais, jamais plus aucun gouvernement ne sera en mesure de retirer des milliards de dollars aux soins de santé.

- augmentera le crédit d'impôt pour les fournisseurs de soins, en consultation avec les groupes représentant les personnes âgées et les personnes handicapées.

- changera les conditions de remboursement du Programme canadien de prêts aux étudiants pour que le remboursement corresponde à un pourcentage du revenu net d'impôt, le premier paiement n'étant exigé que 12 mois après l'obtention du diplôme.

- instaurera un crédit d'impôt pour les étudiants du niveau postsecondaire qui remboursent des emprunts en vertu du Programme canadien de prêts aux étudiants. Sous réserve que l'intéressé travaille au Canada, ce crédit annuel équivaudra à 10 p. 100 au maximum du montant principal et sera consenti pendant les dix premières années suivant l'obtention du diplôme.

- défiscalisera les bourses accordées aux étudiants des collèges et des universités.

- assurera à la GRC un financement stable et lui demandera, en priorité, de lutter contre le crime organisé, surtout contre le blanchiment d'argent, contre le trafic d'êtres humains et la contrebande, et contre la fraude et le crime informatique.

- remplacera la Loi sur les jeunes contrevenants par une nouvelle mesure qui reflétera les principes de protection du public, de dissuasion et de dénonciation, de même que les principes de réinsertion et de recours accru au concept de justice réparatrice.

- abrogera l'actuel système d'enregistrement des armes d'épaule et confirmera et renforcera les dispositions régissant l'utilisation dangereuse et criminelle des armes à feu.

- fera de la santé de nos enfants une priorité explicite en légiférant dans le domaine de l'environnement par le biais d'une loi sur la salubrité des eaux et d'une loi sur la salubrité de l'air.

Bâtir une économie plus forte

Aujourd'hui, le Canadien moyen voit partir 47 p. 100 de son revenu dans des taxes et des impôts qui, parce qu'ils sont très élevés, grugent son niveau de vie. À cause de cette lourde fiscalité, nos entreprises sont moins concurrentielles. Qui plus est, nos jeunes professionnels et entrepreneurs partent à l'étranger dans l'espoir d'y trouver de meilleurs cieux.

Les Canadiens sont conscients que l'équilibre budgétaire et la croissance économique d'aujourd'hui n'ont été réalisés que parce qu'ils se sont sacrifiés et qu'ils ont travaillé fort. Ils veulent que la prospérité du Canada profite à tous, mais ils exigent un fardeau fiscal équitable et moins lourd.

Les Canadiens savent par ailleurs que, pour réussir dans le monde d'aujourd'hui, nous devons être compétitifs par rapport à nos partenaires commerciaux et que la nouvelle économie exige qu'on récompense l'investissement, l'innovation et la créativité.

Les Canadiens veulent que le fardeau de la dette nationale — qui est maintenant de 560 milliards de dollars — ne vienne pas reposer sur les épaules de leurs enfants.

Les Canadiens réclament des investissements stratégiques qui soient fonction de leurs priorités.

Mon gouvernement:

- réduira les impôts de tous les Canadiens en faisant passer l'exemption personnelle de base de 7 231 $ à 12 000 $ en 2005. Cette réduction permettrait de défiscaliser 2,3 millions de Canadiens à faible revenu — c'est-à-dire ceux qui sont le moins en mesure de payer des impôts. Il accordera aussi un allégement fiscal général qui pourrait atteindre 1 100 $ (impôts fédéral et provincial) dans le cas des contribuables moyens.

- portera à 12 000 $ d'ici 2005 l'exemption de marié ou l'équivalent. Quand cette mesure aura été mise en oeuvre, une famille à salaire unique ne paiera plus d'impôt sur le revenu tant qu'elle ne franchira pas la barre des 24 000 $ par an.

- adoptera une exemption d'impôt pour enfants de 1 176 $ pour aider les familles canadiennes. Cela donnerait lieu à une réduction fiscale de 200 $ par enfant.

- éliminera immédiatement l'impôt sur les gains en capital, ce qui permettrait de débloquer du capital-risque, de récompenser l'initiative personnelle et d'enrayer l'exode des cerveaux en encourageant les entrepreneurs à bâtir leur avenir au Canada.

- supprimera la taxe d'accise sur l'essence, sur les carburants diesel et sur le mazout domestique afin d'alléger le fardeau associé à l'augmentation des prix de l'énergie.

- éliminera, sur 25 ans, la dette nationale — qui hypothèque l'avenir de nos enfants — et remboursera 25 milliards de dollars de cette dette au cours des cinq prochaines années.

- adoptera un «budget des formalités administratives» annuel où l'on estimerait le coût total associé à chaque règlement envisagé par le fédéral, y compris les coûts liés à l'application de la réglementation et les coûts de conformité pour les citoyens et les entreprises.

- s'affairera à élargir ses relations commerciales avec d'autres pays, tout en veillant à promouvoir les droits de la personne et le respect de l'environnement, et à protéger notre culture.

- instaurera un Fonds fédéral de stabilisation agricole (FFSA), qui sera un programme national exhaustif de sécurité du revenu comportant un fonds régulièrement alimenté de secours en cas de catastrophe et un volet de stabilisation des revenus.

- travaillera avec la communauté internationale à la protection des pêches transfrontalières contre les pratiques de prélèvement non durables sur nos côtes Est et Ouest.

Gouverner avec intégrité

Notre vision s'entend d'une démocratie forte.

La réussite ou l'échec des gouvernements démocratiques dépend de la mesure dans laquelle la population est prête à accepter ou à appuyer les décisions qu'ils prennent en son nom. Pour prospérer, il faut être riche et, pour gouverner, il faut avoir la confiance de la population. Or, Ottawa n'a plus cette confiance.

L'intolérance face à toute dissidence légitime a considérablement affaibli le rôle des députés. Nous ne parviendrons pas à attirer les éléments les plus valables de la société pour leur confier des charges publiques si ces gens savent qu'ils n'auront plus droit à la parole et qu'ils perdront toute influence après leur élection.

Mon gouvernement restaurerait l'intégrité du gouvernement national en exigeant que celui-ci ait, du point de vue démocratique, davantage de comptes à rendre au Parlement.

Mon gouvernement:

- renforcera le rôle des députés en permettant la tenue d'un plus grand nombre de votes libres à la Chambre des communes. Les députés doivent pouvoir représenter le point de vue de ceux qui les ont élus.

- donnera au Parlement le pouvoir d'examiner les pratiques de dépenses des ministères fédéraux, quand bon lui semblera.

- déposera une loi complète sur les «dénonciateurs».

- augmentera les dépenses annuelles de la défense au cours des cinq prochaines années afin de lui permettre de maintenir ses capacités à un niveau adéquat, pour améliorer la qualité de vie du personnel des Forces armées et pour financer l'achat de nouveaux équipements.

Un plan prudent et équilibré

Le plan que mon gouvernement propose pour le Canada est prudent et équilibré; il vise à redonner une inspiration et une orientation à notre pays pour que nous réussissions dans l'avenir, dans un monde en pleine évolution.

Nos chiffres parlent d'eux-mêmes. Dans le plan quinquennal de notre gouvernement:

- nous insistons — avec plus de 55 milliards de dollars — sur la réduction des taxes et des impôts afin de laisser plus d'argent dans les poches des Canadiens et des Canadiennes. Cet argent est le leur et nous voulons qu'ils puissent en disposer pour l'économiser, le dépenser ou l'investir à loisir.

- notre régime de remboursement obligatoire de la dette permettra d'éliminer l'hypothèque que nous transmettrions autrement à nos enfants dans 25 ans. Le plan de mon gouvernement réduira la dette fédérale de 25 milliards de dollars en cinq ans. Suivant ce plan, nous réaffecterons 1,3 p. 100 du budget annuel de programme à la réduction de la dette.

- nous avons dégagé de nouveaux investissements ciblés dans nos programmes pour un total de 7,4 milliards de dollars.

Membres de la Chambre des communes,

Vous serez appelés à voter les crédits nécessaires à la prestation des services et des dépenses autorisées par le Parlement.

Honorables membres du Sénat et de la Chambre des communes,

Puisse la Divine Providence vous guider dans vos délibérations.».—(Conformément à l'ordre adopté le 1er mars 2001-Il reste six jours de séance.)

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'ai relu attentivement le discours du Trône et voici les quelques réflexions qu'il m'inspire.

D'abord, au sujet des orientations générales, je crois que l'énoncé du gouvernement est correct. Être pour le progrès économique, pour l'inclusion sociale, c'est-à-dire pour le partage entre tous des avantages de la prospérité économique, être pour la meilleure qualité de vie au Canada et vouloir exercer une influence positive dans la communauté internationale, voilà certes quatre orientations générales sur lesquelles nos compatriotes sont d'accord.

Comment peut-on, en effet, être objectivement contre ces grandes et nobles visées? Il faut donc donner au gouvernement le mérite de rappeler à l'attention des Canadiens des objectifs généraux forts désirables. Le gouvernement énumère aussi avec lucidité, je dois dire, certains défis réels auxquels est confrontée notre société: la compétitivité moyenne de notre économie par rapport à celle d'autres pays développés, l'incertitude de nos marchés d'exportation centrés sur les États-Unis, qui connaissent, comme on le sait depuis un trimestre, un recul sans équivoque, les nombreux Canadiens laissés pour compte dans une mondialisation inévitable, mais dont les fruits ne sont pas équitablement répartis, l'influence positive mais décroissante du Canada dans un monde où se forment de nouveaux et puissants groupes économiques où nous ne comptons pas pour beaucoup. Face à ces défis réels et à d'autres sur lesquels je reviendrai et que le discours du Trône n'a pas jugé bon d'aborder, quelle est l'attitude du gouvernement?

Il se veut positif, optimiste et entreprenant. Il lui faut, selon le discours officiel, mousser plusieurs éléments: d'abord, l'innovation dans la production des biens et services, puis la compétence de nos ressources humaines, ensuite, l'utilisation des équipements modernes de communication, et enfin, le commerce international et les investissements étrangers au Canada. Bref, le gouvernement reconnaît, comme je l'avais souligné avec insistance il y a un an au sujet du discours du budget du ministre des Finances, que la croissance économique passe, entre autres, par des mesures gouvernementales qui incitent les facteurs de production, c'est-à-dire le capital, l'entreprise et la main-d'oeuvre, à mieux performer.

C'est déjà quelque chose de reconnaître l'évidence, mais ce n'est pas assez. On ne peut pas se contenter de dire que l'on est pour la vertu. Or, c'est dans les «comment» que le discours du Trône est faible. Aussitôt que le gouvernement passe aux voies et moyens d'atteindre les objectifs énumérés auparavant, le voilà qu'il plonge dans l'activisme étatique traditionnel bien cher au Parti libéral. On se croirait encore dans l'après-guerre. Le Parti libéral n'a pas vraiment eu sa leçon: au lieu de chercher des voies nouvelles pour hausser la productivité et relever le niveau de vie des Canadiens les plus démunis, le voilà qu'il veut se lancer tous azimuts dans de nouvelles initiatives dont la majorité sont dans des champs de juridiction provinciale. Après avoir rappelé les supposés acquis du «welfare-state» de l'après-guerre (pensions de vieillesse, assurance-santé et assurance-chômage), en soulignant leurs bienfaits comme si l'on pouvait parler de problèmes réglés, voilà qu'il nous propose de s'occuper de la petite enfance, de l'alphabétisation, du décrochage scolaire, de la formation professionnelle continue, de certains soins de santé, d'infrastructures municipales et provinciales, d'eau potable et de revitalisation de la culture.

À l'en croire, ce sont là les moyens de faire progresser le Canada dans le concert des nations. Bref, tassez-vous, les gouvernements des provinces, nous, à Ottawa, on connaît cela et l'on va vous montrer ce que c'est que bien gouverner. Vraiment? Qu'est-ce à dire alors des performances douteuses du ministre du Développement des ressources humaines? Que dit le vérificateur général au sujet de l'administration des pêcheries? Le gouvernement est-il satisfait de la gestion du contrôle des armes à feu, dont le coût se multiplie sans cesse avant même que l'on ait une idée de son degré relatif d'efficacité? Est-ce bien ce gouvernement qui a sabré dramatiquement dans les fonds pour les soins de santé pour ensuite annoncer, après les dégâts que l'on a connus, qu'il est fier de son accord sur l'union sociale qui va régler les problèmes de la santé? Vous nous permettrez, à nous de l'opposition, d'être sceptiques face aux propositions du gouvernement, sans parler des contradictions dans le discours officiel même. Par exemple, le gouvernement fixe des résultats à atteindre pour hausser notre rang parmi les pays qui contribuent le plus par tête à la recherche et au développement: le Canada veut être parmi les cinq premiers alors qu'il se trouve actuellement au quinzième rang. La recette: doubler les sommes qu'on va y consacrer. Mais d'où viendra cet argent? Des taxes, évidemment. Le gouvernement ne réalise-t-il pas qu'en taxant, on accroît les coûts des entreprises et qu'on met ainsi des freins à la croissance économique?

Tantôt le gouvernement parle comme un professeur qui énonce des évidences comme celle selon laquelle il nous faut une économie innovatrice pour être compétitif, tantôt il parle comme un travailleur social avec des évidences comme celle-ci: il existe une marginalisation au pays qu'il faut combattre par une plus grande inclusion sociale.

Comme les socio-démocrates ou les magiciens du marketing, le gouvernement met de l'avant, tous les six mois, deux ou trois mots clés qui servent à caricaturer un problème et quelquefois sa solution en même temps. Cette fois-ci, c'est l'inclusion sociale.

Cependant, nous savons qu'au-delà des bonnes intentions du gouvernement et de sa satisfaction face au progrès social au Canada depuis 50 ans, il y a une réalité qui est bien différente du portrait en rose que nous livre le message officiel. En voici quelques aspects.

D'abord, la performance canadienne au chapitre de la productivité et du revenu réel est peu reluisante par rapport aux autres pays de l'OCDE. Selon la revue Micro du ministère de l'Industrie, dans son édition du printemps dernier, nous avons du retard en ce qui concerne les produits innovateurs de haute gamme.

L'écart de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis s'est élargi depuis 1995. De 1996 à 1999, la productivité du travail au Canada s'est accrue à un taux cumulatif de 4,2 p. 100 par opposition à 11.5 p. 100 aux États-Unis, selon la revue The Economist.

Il n'y a pas que nos voisins du sud qui nous déclassent. Nous sommes à ce chapitre au 11e rang des pays de l'OCDE et au 15e rang pour la part du PIB par tête consacrée à la recherche et au développement.

Selon une étude du C.D. Howe Institute, l'exode des cerveaux est inquiétant. On perd des ingénieurs, des informaticiens, des infirmières. On en gagne, bien sûr, dans certaines professions mais la balance canadienne est déficitaire dans les sciences de l'avenir. Le visa temporaire a permis la hausse du nombre d'entrées aux États-Unis pour les détenteurs d'un doctorat. L'écart des revenus est substantiel, de 40 à 75 p. 100 chez les spécialistes des nouvelles technologies.

L'effet de cet écart de productivité au bout de quelques années se répercute bien entendu sur le niveau de vie. La revue du ministre de l'Industrie, dans la même édition, nous rappelle que le niveau de vie américain est de 22 p. 100 plus élevé que celui du Canada, le niveau moyen, bien sûr, mais aussi que toutes les régions des États-Unis ont un niveau de vie supérieur à la moyenne canadienne: 40 p. 100 de plus en Nouvelle-Angleterre, 37 p. 100 dans l'Est moyen, le New Jersey, le Maryland, et cetera, 28 p. 100 dans l'Ouest, 20 p. 100 dans la région des Grands Lacs, 18 p. 100 dans le Sud-Ouest, 17 p. 100 dans les Rocheuses, les Plaines et le Centre, 10 p. 100 dans le Sud-Est. Sur la liste des États et provinces, l'Alberta vient au 18e rang et l'Ontario au 37e rang. Les autres provinces canadiennes sont au bas du classement.

Une autre conséquence de ce triste état de choses, c'est la pauvreté qui ne diminue pas beaucoup chez nous, si l'on se fie aux statistiques officielles. On passe, depuis quelques années, d'un taux de 20 p. 100 à 18,6 p. 100 des enfants vivant dans la pauvreté, presque un sur cinq. C'est énorme, si l'on se fie aux données du gouvernement.

On parle des iniquités flagrantes aux États-Unis en pensant au sort de plusieurs Noirs américains. Toutefois, chez nous, des Autochtones vivent en marge de la société canadienne, dans une situation de dépendance humiliante dont le gouvernement est en partie responsable.

Nous ne sommes pas non plus à l'abri des troubles sociaux: les gangs font la loi dans plusieurs villes au pays, la famille est en désarroi un peu partout, mais aussi chez nous. Le gouvernement insiste beaucoup sur les droits de chacun mais n'initie guère de gestes susceptibles d'inciter à la responsabilité individuelle.

Au plan économique, tout n'est pas rose, loin de là! La dette fédérale équivaut encore à 60 p. 100 du PNB, mais si l'on y ajoute les dettes provinciales, les contribuables déboursent encore 40 cents de leur dollar de taxe pour payer des intérêts.

Le dollar canadien n'en finit plus de descendre. Nos manufacturiers, par conséquent, paient beaucoup plus cher pour les équipements importés, ce qui diminue leur rythme relatif d'investissements technologiques, nuisant ainsi à la croissance de la productivité. Il y a là cercle vicieux.

Les baisses d'impôt récentes compensent à peine la hausse des contributions aux pensions. En l'an 2000, cela ne compensait pas cette hausse. En 1981, le taux de taxation moyen au Canada était de 40 p. 100. En 2001, il est de 50 p. 100. On donne la moitié de notre argent au gouvernement. C'est une augmentation de 25 p.100. Il n'y a pas plus d'égalité sociale qu'il y en avait. Sur une base horizontale entre générations, il existe une iniquité plus forte qu'auparavant. Les investissements directs étrangers au Canada sont en décroissance relative. Nous avons déjà été à 4 p. 100 des investissements étrangers, nous en sommes à 2 p. 100.

Beaucoup d'agriculteurs de l'Ouest sont dans le marasme.

Sur le plan de la politique étrangère, nous vivons dans l'inconnu, l'incertitude et l'obscurité. Rien n'est clair. On ne sait pas, par exemple, si le gouvernement appuie ou non l'initiative stratégique américaine de défense, le programme anti-missiles. On ne connaît pas ses vues sur les négociations commerciales de la ZLEA, la Zone de libre-échange des Amériques, sous prétexte de la vieille convention constitutionnelle, où c'est le gouvernement qui négocie. On est encore dans les prérogatives de la Couronne. On doit, paraît-il, augmenter l'aide internationale sans avoir une évaluation objective de l'impact des programmes actuels. C'est assez important, quand nous investissons deux milliards de dollars et avant de hausser cette somme à deux milliards cinq cent millions, de savoir si cela a du bon sens et si les pays que nous aidons sont mieux maintenant qu'avant. Le gouvernement se comporte au XXIe siècle comme au XIXe. Les prérogatives de la Couronne constituent un prétexte constitutionnel pour agir en toute discrétion comme si le Parlement n'existait pas. Talleyrand ne faisait pas mieux.

Cela m'amène à dire sur mot sur la gestion des affaires publiques sous ce gouvernement. Comme dans les affaires étrangères, le pouvoir exécutif règne en maître absolu. On se croirait en période de guerre. Le résultat est bien connu: c'est l'arbitraire. La fonction publique plie l'échine devant les pressions indues du personnel politique. Jusqu'au premier ministre qui veut nous faire croire que lorsqu'il intervient auprès du patron d'une société de la Couronne, c'est le député de Shawinigan qui parle.

On ne voit plus, comme cela se faisait autrefois, d'avis publics dans les quotidiens pour annoncer des postes de cadres à pourvoir dans la fonction publique. Cela a déjà bien fonctionné au Québec, où je travaillais, et à Ottawa. Où est la démocratie? Sommes-nous revenus au régime des amis? La concurrence semble disparue non seulement dans l'octroi des postes, mais aussi dans celui des contrats. Quarante pour cent des contrats ont été accordés en informatique l'année dernière sans soumission. Nous avons combattu autrefois avec acharnement ce genre de situations qui continuent de me scandaliser. Comme on disait à Québec en 1960: «c'est le temps que ça change». Le gouvernement, dans son message inaugural, semble prendre en compte certaines recommandations de l'économiste Thomas Courchene, de l'Université Queen's. Il devrait le lire attentivement car il souligne bien à propos que la fonction publique doit accepter, une fois pour toutes, de fonctionner en régime de concurrence et cesser de se maintenir en situation de monopole avec la nouvelle formule des agences spéciales. Je l'invite à lire les réflexions lumineuses de Gilles Paquet sur la subsidiarité. Je rêve au jour où les forces de l'opposition sauront soumettre aux Canadiens un programme de rechange qui correspondra aux vues des groupes en présence et de la population canadienne.

Le premier ministre, contrairement au premier ministre britannique, toujours à la recherche d'une troisième voie, a trouvé la sienne, la voie canadienne. Si c'est sa pratique qui donne les résultats que je viens d'exposer, après huit ans de pouvoir, décidément, on n'est pas au bout de nos peines. Le gouvernement est dur d'oreille: il continue de s'engager dans une multitude d'activités qui nourrissent la bureaucratie et le gaspillage et ne règlent rien. Que fait le gouvernement pour aider les Canadiens à assumer les mutations sociales de la mondialisation?

J'ai souligné, il y a un moment, le désarroi qui règne dans trop de foyers au Canada, avec les conséquences que l'on connaît sur le plan social: des enfants laissés à eux-mêmes ou tiraillés entre les auteurs de leur vie ou des situations tendues dans les écoles aux niveaux élémentaire et secondaire, la violence qui a cours un peu partout dans les institutions de bien-être débordées par le nombre et l'ampleur des désordres, et cetera. Face à ces situations alarmantes, le gouvernement réagit à la surface des problèmes dont on sait que la solution passe surtout par le maniement délicat d'incitatifs susceptibles d'inculquer des changements de valeurs et de modifier les comportements.

Ailleurs, on constate que les citoyens sont surchargés par les services publics et le président des États-Unis demande au Congrès «a refund on their behalf». Ici, le gouvernement se propose non pas de remettre l'argent aux citoyens, comme il avait modestement commencé à le faire en octobre dernier, mais de leur proposer d'autres initiatives magiques. C'est curieux comme au mois d'octobre, juste avant les élections, le gouvernement savait ce que les gens voulaient et comme il l'a vite oublié, après les élections.

Une grande partie du discours du Trône décrit superficiellement nos malaises sociaux et les nouveaux programmes que le gouvernement veut mettre en place pour les régler. Cependant, on évacue, après quelques paragraphes, l'analyse des sources profondes de nos difficultés. Ces raisons de fond sont le régime fiscal. Le ministre nous a dit au mois d'octobre que les Canadiens pourront se comparer aux Américains. J'ai des nouvelles pour lui. C'est dans cinq ans que l'on pourra se comparer aux Américains d'aujourd'hui. Dans cinq ans, les Américains seront ailleurs. C'est majeur, le problème se situe à cet endroit. Il ne faut pas se faire d'illusions sur nos investissements étrangers et sur beaucoup d'autres sujets.

Il faut améliorer le régime fiscal, le financement des entreprises par le capital de risque insuffisant, en bonne partie à cause des incitatifs qui gouvernent les sources institutionnelles de fonds. Alors qu'aux États-Unis, des entreprises dynamiques comme General Electric, Hewlett-Packard, Intel et d'autres incitent leurs chercheurs à innover et financent leur «start-up». Au Canada, on place les cotisations de pensions du secteur public dans des obligations du gouvernement et dans des actions qu'un nouveau monopole gérera au lieu de permettre aux employés de voir eux-mêmes au rendement de leur argent.

La différence entre l'innovation et la productivité de l'économie américaine et celles des autres pays de l'Ouest, y compris le Canada, bien entendu, tient précisément aux incitatifs différents qui les gouvernent.

Chez nos voisins, la structure fiscale et celle du marché du travail ainsi que le style de gestion des entreprises favorisent l'innovation, la concurrence, la mobilité, le rendement. Dans le dosage entre l'efficacité et l'équité, l'équilibre institutionnel qui s'en dégage est sévèrement critiqué au Canada sous prétexte que notre société est plus égalitaire. Pourtant, entre 4 p. 100 et 8 p. 100 de chômage, quelle est la juste inégalité?

Il m'apparaît, pour un, que ce dont le Canada a besoin présentement, ce n'est pas de plus de gouvernement, mais de contraintes à son action discrétionnaire, pour le plus grand bénéfice des citoyens, au niveau provincial comme au niveau fédéral d'ailleurs. Il semble que, chez nous, la force de la majorité si propre au régime parlementaire britannique confie aux gouvernements des visions plus bénéfiques pour le peuple que celui-ci désire. Pourtant, l'histoire des dernières décennies devrait nous apprendre que les gouvernements se surestiment et ne sont pas capables de livrer ce qu'ils ont promis. L'histoire des pensions de retraite et de l'assurance-santé sont révélatrices à cet égard: d'une part, on se voit obligé de hausser radicalement les cotisations, d'autre part, on déplore les files d'attente et on se voit obligé de faire traiter des patients aux États-Unis dont on ne cesse, par ailleurs, de critiquer le système de santé.

Si, aujourd'hui, je critique la philosophie politique conventionnelle du Canada, c'est parce que l'alternative raisonnable est mal présentée dans notre pays.

(1440)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois informer le sénateur Bolduc que la période de 15 minutes qui lui est allouée est écoulée. La permission est-elle accordée pour qu'il puisse continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, je suis bien conscient que tout le jeu politique au Canada consiste à évaluer les tensions entre trop et trop peu de politisation, entre trop et trop peu d'intrusion collective dans les libertés des citoyens, entre une économie publique trop petite ou trop pesante. Toutefois, entre 15 p. 100 du PIB en biens publics essentiels et 40 p. 100 du PIB en biens publics aujourd'hui, on admettra que le Canada ne se gêne pas pour prendre les fonds des uns pour les refiler aux autres. Le malheur est que cette redistribution par le gouvernement ne va surtout pas aux plus démunis, à ceux qui en ont le plus besoin. C'est le drame de la politique.

Notre système parlementaire permet déjà une domination quasi absolue de la majorité. Il me semble que les efforts de réforme devraient s'orienter vers les contraintes à imposer au pouvoir exécutif pour empêcher ces excès. Cela est vrai pour la réforme du Sénat, entre autres. J'y reviendrai bientôt, je l'espère.

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, il fut un temps où la question des peuples autochtones n'était pas très présente dans l'esprit des gouvernements.

Comme l'a clairement démontré le discours du Trône, ce temps est révolu. Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir accordé à cette question toute l'importance qui lui est due en la plaçant parmi ses principales préoccupations pour cette nouvelle session. Le gouvernement redonne espoir aux Autochtones, et ce n'est pas peu dire, l'espoir qu'ils pourront se relever de la misère et des écarts, l'espoir d'une participation plus active et vigoureuse dans le processus par lequel ils se gouvernent, l'espoir de voir un jour leur culture rayonner avec fierté d'un bout à l'autre du pays et ainsi se sentir en esprit et dans les faits des citoyens à part entière.

En redonnant espoir aux Autochtones, le gouvernement ne franchit que la première étape. Notre objectif commence tout juste à poindre à l'horizon. Nous ne sommes qu'à l'aube d'une journée qui s'annonce longue et difficile.

Pour atteindre notre objectif, nous devrons déployer beaucoup de temps et d'énergie. Nous devrons traverser sans crainte des terres inconnues, trouver de nouvelles méthodes pour faire avancer les choses.

Le premier ministre nous invite à nous tourner vers l'avenir. Cela est souhaitable et, à mon avis, incontournable. Nous devons fixer des objectifs clairs qui nous permettront d'assurer un avenir prometteur à nos enfants.

Toutefois tout en lorgnant de loin cet horizon, nous, Autochtones, devrons nous garder d'oublier le passé. Le passé et l'avenir ne s'opposent pas. Notre avenir passe par la reconnaissance de notre passé. Nous ne devons pas oublier le passé. Nous ne pouvons pas oublier qui nous sommes, qui nous étions et ce que nous sommes devenus.

Oublier le passé, ce serait oublier nos particularités et la gravité de nos blessures. Nous n'avons pas encore notre vraie place dans la politique de ce pays. Les efforts quant à la reconnaissance pratique, à la définition et à l'application de nos droits doivent être maintenus afin que nous puissions parvenir bientôt à nous sentir à l'aise, responsables et acceptés dans ce pays, dans notre pays.

Dans son discours du Trône, le gouvernement nous invite à regarder au-delà de ce passé en apportant un éclairage prometteur sur notre avenir, particulièrement en regard de ces engagements à renforcer la gouvernance chez les Autochtones. Pour nous, cette question représente l'enjeu du débat car la structure dans laquelle nous nous gouvernerons demain aura une incidence directe sur notre capacité de trouver des solutions efficaces et durables aux nombreux problèmes affligeant nos communautés.

La Constitution du Canada, plus précisément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, reconnaît les droits des Premières nations. Elle dit, à propos des Autochtones du Canada, qu'il s'agit de peuples ayant des droits ancestraux et des droits issus de traités et que ces droits sont reconnus et confirmés. Cette reconnaissance représente un important jalon dans notre longue marche vers une prise en main véritable. Cependant, il se dépense encore des énergies considérables pour définir ces droits, les déterrer, les dépoussiérer et les mettre en application. Et faute ou en l'absence d'une structure fonctionnelle, nous permettant de les faire valoir, ces droits risquent de demeurer lettre morte ou encore être l'objet de malentendus et de conflits qui ne semblent pas vouloir se régler. Or sur le plan politique et de la gouvernance, toute véritable solution passe par la création d'une structure qui assurerait la responsabilisation et la représentation nationales des Autochtones.

(1450)

Pour l'instant, l'Assemblée des Premières nations fait ce qu'elle peut, c'est-à-dire l'impossible. Son pouvoir est insuffisant, se limitant à l'influence qu'elle exerce sur le processus.

En ce moment, la dimension politique baigne dans la plus grande confusion. Dans la pratique, les mots «Premières nations» n'ont pas de définition ni d'encadrement juridique. Nous sommes complètement silencieux sur l'existence des nations autochtones à travers le pays.

Par contre, la seule institution que les gouvernements reconnaissent, par sa Loi sur les Indiens, est la bande et le conseil de bande. Si nous voulons progresser, il nous faut regrouper les communautés membres d'une même nation et, en l'absence de cette possibilité, nous avons un sérieux problème qui freine le développement politique réel.

Comme il nous est impossible d'établir ces institutions et de les reconnaître sous l'égide de la loi actuelle, il est également impossible de s'épanouir et se développer. Dans la plupart des cas, les communautés ont de la difficulté à gérer de façon appropriée les affaires qui les concernent et leur avenir passe inévitablement par une structure politique qu'elles devront élaborer très bientôt.

Très souvent, le gouvernement négocie village par village les différentes revendications territoriales des Autochtones, créant ainsi des rivalités entre les communautés. Comme le recommande la Commission royale Dussault-Erasmus, nous devons passer par une autre étape et ce, avec audace.

Une Première nation, règle générale, regroupe plusieurs communautés. Nous ne savons pas précisément qui elles sont, mais nous devons faire l'exercice pour le découvrir. Au sein de ce pays, n'y a-t-il pas une réalité dite tsimshian, en plus d'une réalité crie, innue, iroquoise, inuite, anishnaabe?

Il serait temps d'en revenir aux véritables frontières identitaires existantes et à celles qui existaient ailleurs au pays, mais que la loi n'a jamais respectées. S'il existe bel et bien 34 communautés micmacs dans les Maritimes, serait-il utile de considérer qu'une seule Première nation micmac existe dans les Maritimes et est constituée de 34 communautés?

Si, à la fin, nous avions recréé une cinquantaine de Premières nations à l'intérieur du Canada, ne serait-il pas utile et extrêmement intéressant de créer, dans la même foulée, une nouvelle institution politique, un gouvernement responsable qui représente ces nations, à qui on pourrait reconnaître un interlocuteur légitime?

[Traduction]

Pareille institution n'existe pas; nous devons la créer. Nous avons besoin d'une représentation politique responsable, transparente et normalement constituée.

[Français]

Il m'apparaît dangereux de continuer à faire du cas par cas. Nous ne pouvons plus aller d'Ipperwash à Burnt Church, réglant à la pièce les problèmes au gré des crises. Pour sortir du cercle vicieux, nous devons passer à une autre réalité, celle de la responsabilité et celle de l'existence politique.

Pour y arriver, nous devons créer une autorité nationale qui soit le faîte des Premières nations et qui les représente dans leur diversité comme dans leurs aspirations.

Nous, des Premières nations, avons un travail considérable à faire pour seulement nous entendre afin de créer cette nouvelle structure. La seule mise au monde d'une pareille structure représente un défi de taille pour tous. Il deviendra alors possible de discuter de partage des ressources, de création de richesses. Il deviendra également possible de discuter d'objectifs en éducation, en santé et dans tout ce qui constitue la vie d'un peuple.

Les Premières nations ne peuvent se gouverner sans un gouvernement qui leur soit propre. Nous devons consacrer le meilleur de nos efforts à la création de celui-ci, lui-même résultat de la redéfinition de ce qu'est une Première nation. N'ayons pas peur d'innover et d'oser, car il faut bien que la vraie responsabilité commence quelque part.

Je ne puis qu'appuyer fermement le gouvernement quant à ses intentions d'agir contre la misère humaine et pour l'éducation de nos enfants, car tout autour des questions politiques se dressent des urgences sociales, des tragédies et des conditions inacceptables de vie dans les communautés et hors des communautés.

Il y a quelques années, l'Association des femmes autochtones avait publiquement averti les leaders de l'Assemblée des Premières nations que les conditions humaines étaient aussi importantes, sinon plus, que les négociations de droits. Or, il serait futile d'obtenir des droits pour une population qui est trop malade pour les exercer.

Le gouvernement semble aujourd'hui prendre conscience que certaines situations ne peuvent plus durer. Le suicide, la toxicomanie et le taux d'incarcération des Autochtones constituent un malaise profond. Je ne m'attarderai pas à décrire ce que chacun sait trop bien, mais j'endosse le diagnostic du gouvernement: l'argent ne va pas toujours au meilleur endroit.

[Traduction]

Nous devons améliorer considérablement notre intervention en première ligne ainsi que la réalité sociale des peuples autochtones de tout le pays. Ce sera un processus long et ardu, aussi long et ardu que le processus qui est à l'origine de la situation actuelle. Quel autre choix avons-nous?

[Français]

Les Autochtones n'ont pas le monopole de la misère mais la gravité de leur situation est déconcertante à l'extrême. Pour enrayer cette misère, nous devons consacrer de l'argent, mais d'abord et avant tout, nos interventions devront faire preuve d'une créativité, d'une efficacité et d'une détermination hors du commun.

Sur le terrain de la vraie vie, nombreuses sont les personnes qui, humblement, résolument et sans relâche, travaillent depuis des années à contrer le pire. Nous devons écouter et aider ces personnes partout au pays: au Labrador, en Saskatchewan, dans l'ouest de l'Ontario et partout où les situations sont critiques.

Le gouvernement devra prendre tous les moyens pour appuyer ces personnes anonymes et courageuses qui, dans les communautés, combattent des cas de toxicomanie, de suicide, de violence et de délinquance. Nous désirons tous la meilleure éducation pour nos enfants. Pour les Autochtones, cette question est d'autant plus cruciale et notre préoccupation à cet égard existe depuis fort longtemps. Malgré cela, nous avons essuyé un trop grand nombre d'échecs dans ce domaine et, aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous permettre de sacrifier des générations entières. Il nous faudra réussir coûte que coûte.

[Traduction]

Je répète à quel point je me réjouis que le gouvernement ait inscrit cette situation urgente dans ses priorités.

[Français]

Encore une fois, je suis content de voir le gouvernement consacrer des efforts prioritaires dans le but de redresser la situation, dans le but surtout de sauver des vies autochtones. Je le dis en pesant mes mots, car nous en sommes rendus là.

Que l'attention des Canadiens ne se relâche pas à travers le gouvernement et qu'il soit acquis que cette question ne peut plus souffrir d'être reportée à l'agenda. Je crois que, justement, cela constitue le message du gouvernement sur la question. Bien que personne ne puisse prétendre trouver de solutions miracles, il est rassurant de savoir que nous entendons tous y travailler d'arrache-pied. Combattre la misère scandaleuse dans d'innombrables communautés autochtones à travers le pays, bien s'éduquer pour l'avenir de nos enfants, prendre notre juste place dans le paysage politique canadien, voilà qui mérite l'appui de tous les Canadiens.

Toutefois, en bout de ligne, il reviendra à nous, les Premières nations, de nous relever nous-mêmes. Pour cela, nous avons besoin de support, certes, mais surtout d'ouverture d'esprit et de générosité.

(1500)

Honorables sénateurs, nous avons besoin de nous attaquer à nos problèmes en sachant que nous disposons des moyens pour recréer des sociétés fières et prospères. N'oublions pas que l'enjeu est là. Il est identifié depuis une quarantaine d'années. Le premier ministre connaît fort bien la question. Il y est d'ailleurs très sensible. M. Chrétien est très au fait des programmes nationaux de prise en charge de l'éducation par les Autochtones. À l'époque, il était aux premières lignes. Aujourd'hui, il sait comme nous tous que nous devons aller plus loin.

Je réitère ma satisfaction de constater que le gouvernement inscrit ces urgences parmi ses grandes priorités.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur Gill, mais son temps de parole est écoulé. Le sénateur veut-il demander la permission pour continuer?

Le sénateur Gill: Oui, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le sénateur Gill: J'ai déjà dit que nous sommes au bout du rouleau et que nous manquerons de temps si nous n'agissons pas rapidement. Même si l'avenir s'annonce intense et difficile, nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer. Tout reste à faire. Cependant, nous amorcerons le nouveau siècle sur un meilleur pied si nous parvenons à dépasser l'héritage politique et à inventer une organisation qui permettra aux Autochtones de véritablement exister de façon fière et autonome et d'être des citoyens à part entière dans notre pays à tous.

[Traduction]

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je voudrais parler du discours du Trône sous le rapport de l'enseignement postsecondaire. Nous reconnaissons tous l'importance extrême du soutien fédéral à l'enseignement supérieur, tant pour les jeunes Canadiens que pour le Canada dans son ensemble.

Mais avant d'aller plus loin, je tiens à féliciter notre nouveau Président, le nouveau leader du gouvernement au Sénat ainsi que son adjoint. Il est clair que les sénateurs Hays, Carstairs et Robichaud prennent leurs responsabilités et leurs rôles très au sérieux. Je crois que nous profiterons de leurs connaissances, de leur leadership et de leurs conseils, et je leur souhaite bonne chance.

Je dois reconnaître au départ que l'enseignement postsecondaire relève de la compétence des provinces. Cependant, le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle important dans ce domaine. Malheureusement, le gouvernement actuel a dilué ce rôle. Peu après qu'il a été élu une première fois, il a sabré dans les transferts aux provinces pour les soins de santé, l'éducation et les programmes sociaux. Même s'il a promis de restaurer graduellement ce financement, les effets des compressions se feront sentir pendant longtemps.

Le gouvernement a aussi négligé d'offrir une vision nationale, un cadre pour favoriser les études supérieures au Canada. Notre pays possède l'un des systèmes d'enseignement postsecondaire les plus enviés dans le monde, un système dont nous pouvons être fiers. Cependant, ce système fait maintenant face à de gros problèmes, au point, dit-on, de frôler la crise.

La capacité des établissements d'enseignement postsecondaire à offrir un enseignement de qualité, à la mesure de nos moyens, se trouve compromise. Ces établissements ont de la difficulté à répondre au besoin de diplômés du Canada, afin de nous permettre de prospérer sur les marchés internationaux et de demeurer à l'avant-garde des affaires internationales, des arts, de la science et de la technologie.

Dans sa réaction au discours du Trône, le sénateur Lynch-Staunton a mentionné ces trois domaines de préoccupation: l'endettement des étudiants, l'écroulement des infrastructures universitaires et le manque d'enseignants chevronnés. Ces problèmes ont aussi été portés à l'attention du Comité spécial du Sénat sur l'enseignement postsecondaire, dont j'ai fait partie. J'aimerais m'attarder un peu là-dessus.

Honorables sénateurs, l'endettement des étudiants est une douloureuse réalité au Canada aujourd'hui. Cette situation est attribuable à la flambée des frais de scolarité que l'on doit en grande partie aux compressions budgétaires fédérales et à la réduction des subventions. La majorité des étudiants doivent emprunter pour faire leurs études et arrivent sur le marché du travail écrasés sous le poids des dettes. Cette situation peut dissuader des jeunes de fréquenter le collège ou l'université.

Sous le gouvernement libéral, le niveau d'endettement des étudiants est devenu si élevé qu'un nombre encore jamais vu d'entre eux se retrouvent en défaut de paiement sur leurs emprunts. La solution du gouvernement a été de modifier la Loi sur la faillite, mais pas pour alléger le fardeau des étudiants ou leur faciliter le remboursement de leurs emprunts.

L'infrastructure universitaire du Canada est dans un état lamentable. Les immeubles de beaucoup d'universités et de collèges n'ont pas été rénovés depuis leur construction. Il suffit de visiter quelques-uns des principaux établissements du Canada pour voir l'état de décrépitude des entrées principales, le piètre éclairage et la mauvaise ventilation. Il manque aussi d'argent pour les aménagements paysagers, la signalisation et le drainage. Beaucoup d'établissements postsecondaires ont été contraints de reporter la réparation de leurs infrastructures en raison du manque de fonds en dépit du fait que, plus on attend, plus ces travaux coûtent cher, surtout aux étudiants.

Le gouvernement a pu mettre en oeuvre un programme d'infrastructure pour financer des terrains de golf, des zoos et des terrains de boules. Cependant, il a complètement fermé les yeux sur les besoins critiques en infrastructure des collèges et universités du Canada.

Par ailleurs, nos établissements d'enseignement supérieur doivent souvent se contenter de matériel informatique qui ne répond pas aux normes les plus élémentaires. Les bibliothèques de ces établissements sont vides et les laboratoires sont mal équipés. Cela se répercute directement sur la qualité de l'éducation. Nous entrons dans l'ère fascinante de l'Internet, mais ceux qui prennent du retard se retrouvent rapidement en queue de peloton.

Un autre symptôme troublant de la négligence du système d'éducation postsecondaire par le gouvernement du Canada est l'incapacité de nos collèges et universités d'attirer et de garder suffisamment de professeurs et d'instructeurs. On estime que, au cours des 25 prochaines années, il y aura 50 000 postes de professeur à combler dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Malheureusement, le nombre de professeurs embauchés est inférieur au nombre de professeurs qui quittent l'enseignement postsecondaire. Beaucoup de candidats qualifiés se dirigent vers le secteur privé ou quittent tout simplement le Canada.

Honorables sénateurs, je pourrais m'attarder davantage sur l'état navrant dans lequel se trouve l'enseignement postsecondaire au Canada, mais je crois que tout le monde en a une idée générale. J'en viens maintenant aux possibilités d'avenir dont il n'est malheureusement pas question dans le dernier discours du Trône.

L'ouverture de la nouvelle législature aurait pu être pour le gouvernement fédéral une formidable occasion de prouver son désir de s'assurer que le Canada joue un rôle dominant pour réussir à établir une économie du savoir.

Le discours du Trône aurait pu constituer un pilier du troisième livre rouge, une véritable protection, une politique qui aurait permis à 100 000 Canadiens diplômés d'avoir accès aux conseils d'administration, aux tribunaux, aux salles d'opération, aux postes gouvernementaux et aux centres de recherche informatique les plus prestigieux de notre pays. Il aurait pu prévoir un programme intéressant et dynamique, conçu aux fins d'améliorer sensiblement la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux dans le but de miser sur notre plus grande ressource naturelle: les gens. Cependant, il n'en est rien. En fait, je pense que le fait que les termes «postsecondaire» et «université» n'apparaissent pas une seule fois dans le discours du Trône est très significatif.

Le gouvernement fédéral n'a pas traité des problèmes auxquels est confronté l'enseignement postsecondaire et des possibilités qui s'offrent à lui. Au lieu de prendre l'engagement d'améliorer la façon dont le gouvernement coordonne l'enseignement supérieur au niveau national, le discours de Trône ne s'attaque au problème que de façon superficielle.

Voilà, d'après le discours du Trône, comment le gouvernement libéral entend améliorer l'enseignement postsecondaire au Canada:

Il créera donc un régime enregistré d'apprentissage personnel pour aider ces Canadiens à trouver les sommes nécessaires à leur formation. Son programme de prêts aux étudiants à temps partiel sera amélioré afin qu'un plus grand nombre de travailleurs puissent étudier tout en ayant un travail rémunéré.

Honorables sénateurs, c'est là la seule allusion directe à l'enseignement supérieur. Cela ne veut pas dire que les autres formes d'apprentissage, comme l'enseignement primaire et secondaire ou la formation des adultes ne sont pas aussi importantes. Après tout, les Canadiens ont compris que l'éducation est un processus permanent qui permet de faire ressortir l'énorme potentiel qui existe en chacun de nous.

Pour rendre abordable et accessible l'éducation postsecondaire, il ne suffit pas d'accorder des incitatifs fiscaux ou de créer des régimes enregistrés. Il convient plutôt de prévoir des remaniements de fond. Les Canadiens méritent mieux que ce qu'ils ont obtenu dans le dernier discours du Trône.

Ce n'est pas avec des mesures financières ponctuelles que l'on mettra en place d'extraordinaires superstructures pour l'éducation. Des politiques coordonnées, stratégiques et exhaustives sont nécessaires pour favoriser l'éducation d'un océan à l'autre.

Ce n'est pas comme s'il n'avait pas existé des tas d'idées dont le gouvernement aurait pu s'inspirer. À titre d'exemple, le programme électoral du Parti progressiste-conservateur proposait une série d'initiatives ingénieuses et imposantes, destinées à améliorer les services d'éducation postsecondaire. Je voudrais les passer brièvement en revue.

(1510)

Dans le discours du Trône, le gouvernement aurait pu opter pour le rétablissement immédiat des paiements en espèces du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, à tout le moins aux niveaux de 1993-1994, mais il n'en a rien fait. Le gouvernement aurait pu décider de réexaminer les programmes fédéraux d'aide aux étudiants pour les remplacer par un système grâce auquel les étudiants rembourseraient leurs prêts avec un pourcentage de leur revenu après impôt, à la fin de leurs études, à compter de la première année de plein emploi, mais il ne l'a pas fait.

Le gouvernement aurait pu instaurer un crédit d'impôt pour aider les Canadiens à rembourser leur prêt étudiant, mais il n'en a rien fait. Le programme du Parti progressiste-conservateur proposait de mettre en place un crédit d'impôt qui aurait été fonction du remboursement du principal, jusqu'à concurrence de 10 p. 100 du principal par an, pour les 10 premières années suivant l'obtention du diplôme, sous réserve que la personne demeure au Canada.

Honorables sénateurs, dans son discours du Trône, le gouvernement aurait pu décider de ne pas assujettir les bourses d'études à l'impôt, mais il ne l'a pas fait. Il continue d'exiger des étudiants désargentés de payer de l'impôt et il continue de pénaliser ceux qui sont brillants.

Le gouvernement aurait pu choisir d'amener les universités à collaborer ensemble pour élaborer des cours et des programmes pour une université virtuelle. Même si l'administration quotidienne de l'éducation postsecondaire n'incombe pas au gouvernement fédéral, il aurait pu assumer un rôle de leadership en aidant les établissements d'enseignement supérieur à tirer parti de la technologie et en facilitant la coopération. Le gouvernement aurait pu décider de mettre sur pied une bibliothèque canadienne de ressources sur la formation en ligne en vue de créer une infrastructure permettant de diffuser à l'échelle du pays des ressources sur la formation en ligne, mais il ne l'a pas fait.

Honorables sénateurs, ce sont là des idées bien documentées qui ont été incluses dans le programme électoral du Parti conservateur de l'automne dernier. Le gouvernement n'avait qu'à les adopter, mais il a choisi d'en faire fi, comme il l'a fait pour d'autres recommandations dont celles formulées par le Comité spécial du Sénat sur l'enseignement postsecondaire. Le secteur canadien de l'éducation postsecondaire continuera malheureusement à souffrir.

Comme en témoigne les politiques proposées par le Parti progressiste-conservateur, la réforme de l'infrastructure de l'éducation postsecondaire n'est limitée que par l'actuel manque d'imagination et de créativité du gouvernement. Le Canada pourrait devenir un meilleur pays au profit de tous si la priorité était accordée à la réforme de l'éducation supérieure.

Si le gouvernement fédéral et mes collègues de l'autre côté de la Chambre tiennent à léguer à leurs enfants, à leurs petits-enfants et à leurs arrière-petits-enfants une infrastructure de l'éducation postsecondaire qui leur profitera autant qu'à nous, nous devons nous mettre à réfléchir et à élaborer des politiques et faire abstraction de nos allégeances politiques.

Honorables sénateurs, nous pouvons trouver des solutions à ces problèmes urgents. Nous avons maintenant besoin de la volonté politique nécessaire pour les mettre en oeuvre. J'ai hâte de travailler en collaboration avec des collègues des deux côtés de la Chambre dans les semaines à venir afin de consacrer notre énergie à cet important sujet.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je me sens honorée de prendre la parole pour répondre au discours du Trône.

Avant de commencer, je tiens toutefois à féliciter l'honorable Sharon Carstairs pour sa nomination au poste de leader du gouvernement au Sénat. Elle fait un travail fantastique. J'aime bien la façon dont elle mène la période des questions.

Je félicite aussi son voisin, l'honorable Fernand Robichaud, le nouveau leader adjoint du gouvernement.

Je félicite aussi le nouveau Président du Sénat, l'honorable Dan Hays.

Honorables sénateurs, je ne peux poursuivre aujourd'hui mon allocution sans évoquer avec un profond regret et une grande compassion le décès d'un ami cher et d'un grand sénateur, Gildas Molgat, dont le départ m'a profondément affectée. Le caractère inopportun et subit de ce décès nous a tous laissés dans un état d'ahurissement et de tristesse. Dans notre esprit et dans notre coeur, les gens que nous aimons seront toujours avec nous.

J'interviens aujourd'hui au Sénat pour rappeler son souvenir, pour dire au revoir à un ami et le remercier de son excellent travail.

Honorables sénateurs, la nouvelle session du Sénat s'ouvre de nouveau sous la gouverne de notre premier ministre, Jean Chrétien, à la suite de la victoire du Parti libéral aux élections. Cette victoire est manifestement un signe de la confiance que les Canadiens accordent aux libéraux. Il ne fait aucun doute que les Canadiens ont accordé leur confiance à l'institution qui a prouvé avoir la capacité de veiller à ce que des idées soient transformées en ressources, en infrastructures, en une économie vigoureuse et florissante et en éventail de possibilités pour toute la population.

Nous sommes fiers de nos réalisations, en particulier parce qu'elles se concrétisent à un moment où une des caractéristiques les plus ostensibles de la politique est la transcendance des frontières nationales. L'internationalisation des économies, les questions environnementales et les réseaux régionaux et mondiaux de communications sont des thèmes qui préoccupent de plus en plus la collectivité nationale et internationale.

C'est le nouvel ordre mondial, comme il est convenu de l'appeler, et c'est vraiment ce qui est en train de se produire. Cela n'a rien à voir avec ce qui s'est produit dans le cas de la révolution industrielle. Ce nouvel ordre va plus loin dans la mesure où il influe à la fois sur notre mode de vie et sur l'univers dans lequel nous évoluons. C'est une expérience nouvelle et difficile à laquelle la société doit s'adapter.

Au moment où nous sommes amenés à réévaluer la nature et les limites de nos démocraties nationales par rapport au processus de mondialisation socioéconomique, nous constatons que nous sommes en présence d'un Canada fort doté de politiques macro-économiques et structurelles judicieuses ayant offert de solides assises pour l'expansion. L'assainissement des finances publiques par les administrations fédérales et locales a entraîné une nette réduction de la dette du gouvernement par rapport à notre PIB.

Honorables sénateurs, toutes ces réalisations ont eu un prix. Au début de notre premier mandat, les Canadiens ont accepté les sacrifices découlant de budgets douloureux dans de nombreux cas. C'était là des compressions profondes et difficiles mais nécessaires pour que notre pays redevienne prospère.

Le Canada reçoit des éloges pour ses nombreuses réussites dans le rapport de mission de 2001 du Fonds monétaire international sur les consultations visées à l'article IV. Il y est indiqué que le Canada a montré son engagement à l'égard de la libéralisation du commerce par le truchement d'initiatives à l'échelle multinationale, régionale et bilatérale et qu'il a fait preuve d'une grande générosité en donnant aux pays moins développés un accès favorable à ses marchés.

Le discours du Trône présente la plate-forme du gouvernement libéral pour l'équilibre: de l'ouverture de perspectives pour tous, en passant par la qualité des soins de santé, les programmes à l'intention des enfants et des familles, la recherche-développement jusqu'au programme visant à combler le fossé numérique. Il est le reflet du «livre rouge» au chapitre des idées et des engagements pragmatiques faits au cours de la campagne électorale. C'est un bon programme, bien conçu et maintenant en oeuvre.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'attirer votre attention sur deux points saillants du discours du Trône qui revêtent une pertinence importante à mes yeux: la dimension véritablement internationale de notre politique étrangère et le nouveau rôle dynamique de notre culture canadienne.

Avec l'accord sur le désarmement interdisant l'utilisation des mines antipersonnel le plus de circonstance qui soit, et il est à souhaiter que nous ferons encore mieux lorsqu'il s'agira des armes nucléaires, la création de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, la création du Tribunal pénal international et les nouvelles priorités sociales de l'ACDI, le Canada se pose en champion de la démocratie cosmopolite. À travers ces efforts, le Canada montre qu'il cherche à consacrer et à développer des institutions démocratiques à l'échelle régionale et mondiale qui sont complémentaires à celles de l'État-nation.

Le gouvernement du Canada a mis sur pied la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États pour relever le défi que le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a lancé en septembre 2000 à la communauté internationale. Dans son rapport du millénaire intitulé: «Nous, les peuples», il engage les États membres à chercher des réponses aux dilemmes que posent les crises humanitaires quand la nécessité d'intervenir se heurte au principe de l'inviolabilité de la souveraineté des États.

Honorables sénateurs, dans un monde où les relations s'intensifient entre les régions et entre les pays, la création de cette nouvelle institution politique, qui coexistera avec la politie d'État, garantira, nous l'espérons, que les forces régionales et mondiales n'échappent pas aux mécanismes démocratiques de responsabilité, de légitimité et de transparence, et qui harmonisera le droit de l'État à la souveraineté et la nécessité pour la communauté internationale d'intervenir dans des pays où la démocratie semble menacée. Tout cela pour nos Casques bleus, mais pas seulement pour eux. Il s'agit d'un nouveau concept et nous devons au ministre des Affaires étrangères Axworthy d'avoir convaincu le Conseil de sécurité de se pencher sur une question très pénible. J'ajouterai que le mandat du Canada au Conseil de sécurité a été constructif, efficace et l'occasion d'une plus vaste consultation, d'une plus grande ouverture et d'une nouvelle façon de voir les choses.

(1520)

Toutefois, la commission internationale n'est qu'un élément de notre politique étrangère dynamique. Dans la mesure de nos besoins économiques nationaux, nous avons montré que nous voulions partager les possibilités et aider les moins fortunés. Des secours d'urgence à l'aide aux victimes de tremblements de terre, par exemple, nous avons beaucoup fait, par l'intermédiaire des initiatives du ministre des Finances Paul Martin pour les plus pauvres et les plus marginalisés de la Terre.

Par contre, honorables sénateurs, je tiens à parler de la question de la culture. Nous avons beau être ouverts au phénomène multidimensionnel et presque inévitable de la mondialisation, il nous faut réfléchir aux paroles suivantes du directeur général de l'UNESCO, Federico Mayor:

[...] à sa façon inéquitable, la mondialisation est en train de produire une culture de l'uniformité et d'appauvrir le monde [...]

Je m'explique.

De nouvelles technologies et de nouveaux moyens de communication sont à la fois notre accès au monde et les clés de notre avenir. Toutefois, ils n'équivalent en fait qu'aux «grosses conduites» ordinaires.

[Français]

C'est le contenant et le contenu qui entrent en ligne de compte. C'est la base de l'idée que je veux vous présenter.

[Traduction]

C'est effectivement leur contenu qui influera sur notre identité, notre éthique et nos valeurs par rapport à nos concitoyens et au monde entier.

Honorables sénateurs, vous comprenez pourquoi il est plus important que jamais que le gouvernement protège et soutienne notre identité nationale et nos valeurs canadiennes uniques.

Le projet visant à promouvoir une «culture canadienne dynamique» est certes la confirmation que les facteurs économiques et la technologie ne sont pas les seuls outils pour évaluer la grandeur de notre pays.

En engageant des millions de dollars pour encourager le contenu canadien sur Internet, la politique cinématographique canadienne, le Fonds pour les périodiques canadiens, l'industrie phonographique et le Conseil des Arts du Canada et en annonçant une augmentation du financement de la SRC, le gouvernement du Canada ne joue pas simplement le rôle de gardien ou d'administrateur de notre patrimoine — il est la sentinelle qui protège notre diversité culturelle à l'échelle mondiale.

L'acquisition de cette nouvelle force dans le domaine de arts visuels, de la littérature et des arts du spectacle permettra aux Canadiens de participer pleinement à la nouvelle scène culturelle mondiale, tout en préservant une série de caractéristiques particulières, spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotives qui traduisent la diversité même de notre patrimoine canadien, notre éthique et nos valeurs.

Nous espérons que, par la promotion d'activités créatrices dans notre pays et par des échanges culturels avec l'étranger, nous pourrons rendre le monde plus humain, à une époque où la technologie de l'information est devenue très envahissante. Nous devons nous rappeler que, malgré les extraordinaires progrès technologiques, il est essentiel que nous encouragions le dialogue, la compréhension et la réflexion critique, que nous nous souvenions des idéaux et des idées philosophique qui ont présidé à la création de notre pays et que nous garantissions leur survie.

En ce sens, le programme visant à promouvoir une culture canadienne dynamique représente une véritable «renaissance des arts» qui offrira aux Canadiens la continuité historique nécessaire à un développement social durable. C'est dans cette optique que je vois la conjonction de deux des grandes activités décrites dans le discours du Trône, c'est-à-dire l'intégration de la culture canadienne et de la politique étrangère.

Honorables sénateurs, notre politique étrangère et notre engagement envers les pays en développement montrent clairement que le développement est un processus qui élargit les choix s'offrant aux populations. Selon le PNUD, le développement devrait créer pour les gens, tant individuellement que collectivement, un environnement propice à l'exploitation de leur plein potentiel, un environnement leur donnant une chance raisonnable de mener des vies productives et créatives.

La conception canadienne du développement suppose que le développement humain est l'objectif ultime du développement économique, mais à l'intérieur de ce concept, et des concepts changeants du monde dans lequel nous vivons, il est essentiel de se rappeler que chacun de nous a le droit, dans un société démocratique, d'être laissé tranquille. C'est dans cette optique que j'aurais souhaité que la question d'une charte des droits à la protection de la vie privée s'ajoute à la liste des préoccupations du gouvernement, parce que c'est ce qui se produit actuellement. Le monde qui nous entoure change et les progrès de la technologie ont transformé nos droits et libertés. Nous devons penser à nos droits et libertés.

Conformément à la théorie avancée par Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, le sous-développement est considéré comme un manque d'aptitudes élémentaires, plutôt qu'un simple manque de revenus et de biens. Sous cet angle, et avec pour toile de fond une économie solide et en santé, nos politiques étrangères et culturelles ne visent pas à produire simplement plus de biens et de services, mais à accroître la capacité des gens à mener des vies productives et bien remplies où la liberté politique, les droits de la personne et l'estime de soi sont garantis.

Si la mondialisation est en voie de redéfinir le spectre politique à l'intérieur duquel le gouvernement est en mesure d'agir, et si l'économie mondiale impose la concurrence économique, le paradigme libéral cherche à assurer l'égalité des chances dans un monde juste et équitable. Ce n'est pas une mince tâche. C'est le défi qui nous attend et que nous tâcherons de relever. Nous ferons de notre mieux pour y arriver.

L'honorable Douglas Roche: Madame le sénateur Finestone accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Finestone: Oui.

Le sénateur Roche: Madame le sénateur Finestone a mentionné dans son beau discours que les armes nucléaires étaient visées par la politique étrangère du Canada. Pourrait-elle s'étendre sur ce sujet, en portant une attention spéciale à la recommandation faite par Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, selon lequel on devrait tenir une conférence mondiale en vue de reconnaître et d'éliminer les dangers nucléaires? Je me demande si le Canada pourrait organiser une réunion plus modeste des pays partageant les mêmes vues, afin d'examiner cette proposition faite par le secrétaire général. Serait-ce un élément concret de la politique étrangère du Canada qui semblerait pratique à mon honorable collègue?

Le sénateur Finestone: Honorables sénateurs, cette question est très intéressante et présente un défi de taille. Avec notre monde en évolution et la nouvelle instabilité que cela suscite, et comme nous savons que d'autres pays se sont dotés de ressources nucléaires, il serait extrêmement important de réexaminer le dossier et de reprendre le dialogue.

À mon avis, la population mondiale ne veut pas s'inquiéter des armes nucléaires ou du désarmement nucléaire ou en subir les conséquences. En fait, elle ne veut pas se préoccuper de toute l'information contenue dans le droit international humanitaire, qui est censé englober toutes les questions qui nous permettront à tous, dans cette Chambre, et à tous les citoyens que nous représentons, de vivre dans la paix et l'harmonie. On ne peut pas vivre paisiblement et pleinement, ou dans l'harmonie, sans connaître la sécurité, aujourd'hui et à l'avenir. Si c'est ce qu'il faudrait faire pour que le monde commence à réagir, les représentants des petits pays auraient peut-être avantage à se tourner vers le Canada, et j'espère qu'ils pourront venir au Canada et que nous pourrons organiser cette rencontre.

Comme les sénateurs le savent, je n'aime pas employer l'expression «Big Brother» à cause de son sens péjoratif, mais je dirais que le Canada est perçu comme un pays solidaire, digne de foi et plein d'intégrité, avec lequel ces pays peuvent dialoguer, voire trouver une solution raisonnable. Cette solution pourrait ensuite être transmise aux responsables du Conseil de sécurité, qui devraient tenir compte de leurs intérêts.

Honorables sénateurs, j'espère qu'ils répondront à ce besoin moral et que les trois grands pays cesseront de ne penser qu'à leurs propres intérêts.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme il est 15 h 30, je déclare que, conformément à l'ordre que la Chambre a adopté, le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.

(Le débat est suspendu.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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